Le joker est mort ! Batman, retrouvé hagard et blessé, ne se souvient plus s’il a quelque chose à voir dans l’affaire. Il s’en va en chasse du moindre indice mais hanté par ses démons, l’enquête s’avère difficile et pavée de mystères.
Brian Azzarello nous invite à suivre une histoire très sombre. Le Batman qu’il décrit est désespéré, perdu, sans repaire. Guidé par un Constantine en narrateur surprise et plus que jamais cryptique, il erre dans les rues de Gotham où apparaissent un Dead Man et une Zatana, dont les rôles sont pour l’instant bien indéfinis. Malgré ces doutes, l’effroi qu’il invoque chez certains individus est toujours bien réel et le soutien d’un Gordon mutique, infaillible.
Brian Azzarello installe une ambiance plus qu’il ne tisse une intrigue. Au hasard d’un lieu traversé ou d’une phrase prononcée, il nous entraine dans l’enfance de Batman évoquant ses démons les plus profonds ou la mythologie du personnage. Il revisite ainsi l’histoire de la famille de Bruce Wayne, l’imaginant plus fragile qu’on ne l’imagine ou l’origine de la chauve souris, glissant par là une atmosphère fantastique.
Tout est histoire d’ambiance et d’atmosphère donc. Car il est vrai que le scénario est décompressé et c’est sans doute le seul reproche que l’on peut faire à ce Batman Damned. Ceux qui sont lassés de cette caractéristique assez propre à de nombreux comics modernes ne trouveront sans doute que peu de plaisir dans ces 40 pages. Pour les autres, la plaisir sera grand et l’envie d’avoir le numéro 2 en main assez vive.
Mais que serait ce Damned sans son dessinateur ? Lee Bermejo livre un travail sublime. Son trait réaliste hyper détaillé éclabousse les pages de merveilles. Ce travail de mise en page en symbiose avec le scénario est excellent. Ici ou là, un visage, une attitude passé inaperçu au premier regard ou à la première lecture se révèle révélateur d’une scène quelques pages plus loin. Le travail sur la lumière et les ombres est également somptueux. Les couleurs dans les tons gris-bleus ou sépia pour le passé offre un rendu superbe. C’est un sans faute…ou presque. Quelques onomatopées aux couleurs flashy ne cadrent absolument pas avec le reste des dessins (comme sur la page ci-dessous). Quelques fois inutiles, ils auraient mérité un traitement différent. Mais je chipote.
DC propose un grand format inhabituel qui s’avère judicieux et met réellement en valeur le travail de Bermejo.
Batman Damned livre un excellent départ, qui ne satisfera que moyennement les lecteurs hermétiques à une certaine forme de décompression scénaristique, mais qui offre suffisamment de qualités notamment graphiques pour qu’on se laisse tenter par l’aventure.