Sean Lewis : « Je veux que mes BD soient des expériences, qu’elles soient aussi ridicules, exagérées et belles que les BD qui m’ont sauvé la vie quand j’étais enfant. »

Le scénariste que l’on a adoré sur The Few ou Thumbs, revient en compagnie de son complice Hayden Sherman pour Above Snakes, un western décalé et extravagant mais non moins puissant ! Sean Lewis a accepté, une nouvelle fois, de répondre à nos questions pour évoquer la création ce comic atypique et livrer au travers de l’entretien sa vision de l’Amérique d’aujourd’hui.

For English speakers, please find lower the interview in its original version.


Above Snakes est un western, un genre peu représenté dans la bande dessinée américaine. Pourquoi avez-vous voulu raconter une histoire de ce genre et qu’est-ce qui vous attire dans le western ?

Sean Lewis : Honnêtement, j’ai demandé à Hayden sur quoi ils voulaient travailler ensuite. Hayden a répondu un WESTERN. Et je me suis dit « oh putain, je ne sais même pas si j’aime les westerns ». Mais j’avais tort. J’aime vraiment les westerns. J’en ai regardé quelques-uns et j’ai commencé à penser aux tropes qui leur sont inhérents : la vengeance, le fait d’être perdu, l’errance, les villes en difficulté… et c’est là que j’ai commencé. J’aime raconter des histoires de parias. Et j’aime les histoires qui me semblent très américaines. L’Amérique est un endroit bizarre. Tout est question d’auto-mythologie, de colère, de reproches, d’escrocs, d’opportunités, d’espoir, de liberté et… ET AINSI DE SUITE. Je venais d’écrire un livre intitulé BLISS qui traitait du pardon. C’est donc devenu un livre frère de celui-ci. Il s’agit de vengeance. Les Américains aiment l’idée de vengeance et détestent l’idée de pardon. C’est peut-être ce qui fait que je me sens parfois très étranger ici.

Votre histoire mélange des scènes et des personnages classiques de western avec un ton décalé et légèrement extravagant. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire une histoire qui soit – au vu du numéro 1 – plus décalée que d’habitude ?

Sean Lewis : Honnêtement, je voulais juste faire quelque chose qui ressemble de façon géniale aux BD que j’aimais quand j’étais enfant. SCOUT était un livre dément de First Comics. Ou les ELEMENTALS. Ou PREACHER. Ces livres étaient amusants, divertissants et prenaient des risques. Ils avaient leurs propres règles. Je voulais faire la même chose. Un western classique ne m’intéressait pas. Faites ça à la télé. Je veux que mes BD soient des expériences. Je veux qu’elles soient aussi ridicules, exagérées et belles que les BD qui m’ont sauvé la vie quand j’étais enfant. Pour le premier numéro, je me suis dit : « Allons-y à fond et soyons grandiloquent ». Ayons un oiseau qui parle et qui est vraiment grossier. Soyons amusants et absurdes et, à chaque numéro, la réalité de ce monde se révélera.

Quelles sont les bandes dessinées, les films, … qui ont nourri votre imagination pour le western ?

Sean Lewis : Probablement pas des westerns. Lol. Je n’ai pas fait de recherches trop approfondies pour cela. A la place, j’ai juste regardé les choses qui ont un ton différent et que j’aime. Des choses qui vont de la violence à la sainteté, de la beauté à la grossièreté…PULP FICTION. KILLING ZOE. DOG DAY AFTERNOON. MIDNIGHT RUN (je voulais que Speck and Dirt ait un côté comédie entre potes). Les films de Miranda July. NO COUNTRY FOR OLD MEN. Chacun d’eux me permet de repenser à ce que l’histoire peut être. Je ne me préoccupe pas du genre ou de sa fidélité, mais plutôt de la manière de le rendre amusant, nouveau et différent de ce que vous avez déjà vu.

Vos histoires ont souvent une dimension politique. Peut-on s’attendre à ce qu’Above Snakes s’aventure dans ce domaine ? De quelle manière ?

Sean Lewis : Je pense que la vengeance est politique. Les Américains sont à fond dans la vengeance en ce moment. Ils adorent la colère. Nous sommes en quelque sorte devenus BIG BROTHER. Tout le monde s’observe et attend de crier. Comme si leur doigt était sur la gâchette. Je veux dire, c’est un peu lâche. On crie sur des crétins sur Twitter et pas sur les gens de pouvoir ou aux réunions du conseil d’administration de l’école, ou des conseils municipaux. Et les gens normaux, les gens que j’aime font ça. C’est comme… Quoi ? Vous pensez tous que vous êtes des cow-boys. Mais vous êtes tous un peu perdus. Il y a un épisode de La Quatrième Dimension où un type peut entendre les pensées de ses voisins et il devient fou. C’est l’Amérique en ce moment. Donc, ouais. J’ai un cow-boy qui a un narrateur dans sa tête qui lui dit comment se sentir et penser et ça lui donne envie de tuer. Je ne sais pas si c’est le cas ailleurs, mais ça me semble politique en ce moment.

Vous êtes de retour avec Hayden Sherman après The Few and Thumbs. Qu’est-ce que, selon vous, son dessin si son dessin si singulier apporte au genre du western ?

Sean Lewis : Hayden est incroyable. Hayden peut tout faire. Toujours, le mouvement de ses dessins ne ressemble à rien d’autre. Dans Above Snakes, le grand truc, c’est la couleur. Le jeu de couleurs de Hayden est incroyable. C’est de la folie !

Entretien réalisé par échange de mails. Merci à Sean Lewis pour sa disponibilité  et sa gentillesse.


The writer we loved on The Few or Thumbs, comes back with his accomplice Hayden Sherman for Above Snakes, an offbeat and extravagant but no less powerful western! Sean Lewis agreed, once again, to answer our questions to talk about the creation of this atypical comic and to give us his vision of today’s America through the interview.

Above Snakes is a western, a genre not very well represented in American comics. Why did you want to tell a story of this genre and what attracts you in the Western ?

Sean Lewis : Honestly, I asked Hayden what they wanted to work on next. Hayden said a WESTERN. And I wa slike oh fuck, I don’t even know if I like Westerns. But I was wrong. I really like Westerns. I watched a few and started thinking about the tropes inherent within them: revenge, being lost, wandering, towns in trouble… and that’s where I started. I like telling stories of outcasts. And I like stories that feel very American to me. America is a weird place. It’s all about self-mythologizing and anger and blame and con men and opportunity and hope and freedom and… SO ON. I had just done a book called BLISS which was all about Forgiveness. So this became a sister book to that one. This is all vengeance. American’s love the idea of revenge and hate the idea of forgiveness. It might be what makes me feel very alien at times here.

Your story mixes classic western scenes and characters with a quirky and slightly extravagant tone. What made you want to write a story that is – in view of the issue #1 – more offbeat than usual?

Sean Lewis : I honestly just wanted to make something that felt awesome like comics I loved as a kid. SCOUT was an insane book from First Comics. Or the ELEMENTALS. Or PREACHER. Those books were fun and entertaining and took risks. They had their own rules. I wanted to do the same. A straight ahead western isn’t interesting to me. Do that on TV. I want my comics to be experiences. I want them to be as ridiculous and over the top and beautiful as the comics that saved my life when I was a kid. So with issue one I was like let’s go big and bombastic. Let’s have a talking bird who is really crude. Let’s be fun and absurd and with each issue the reality of this world will reveal itself.

What are the comics, movies, … that fed your imagination for the Western ?

Probably, not Westerns. Lol. I didn’t go too deep on research for it. Instead, i just watch the things that are tonally off that I love. Things that move fluidly from violence to sanctity, beauty to crude…PULP FICTION. KILLING ZOE. DOG DAY AFTERNOON. MIDNIGHT RUN (I wanted SPeck and Dirt to have a buddy comedy feel). The films of Miranda July. NO COUNTRY FOR OLD MEN. Each let’s me kind of rethink what the story can be. I don’t worry about the genre or staying true to it but more how can I make it fun and new and unlike what you have seen.

Your stories often have a political dimension. Can we expect Above Snakes to venture into this field? In what way?

Sean Lewis : I think vengeance is political. Americans are all about revenge right now. They love anger. We kind of have become BIG BROTHER. Everyone watches each other and waits to yell. Like their finger is on the trigger. I mean, it’s kind of cowardly. We yell at morons on Twitter and not people in power or at school board meetings, or town councils. And normal people, people i love do this. It’s like- what? You all think you’re cowboys. But you’re all kind of lost. There’s a Twilight Zone episode where a guy can hear his neighbors thoughts and he goes insane. That’s America right now. So, yeah. I have a cowboy who has a narrator in his head telling him how to feel and think and it makes him want to kill. I don’t know about other places but that feels political to me right now.

You are back with Hayden Sherman after The Few and Thumbs. What, according to you, does his so singular drawing bring to the western genre ?

Sean Lewis : Hayden is amazing. Hayden can do anything. Always, the motion of their drawings is unlike anyone else. In Above Snakes the big thing is the color. Hayden’s color game is incredible. It’s exploded like crazy.

Interview made by email exchange. Thanks to Sean Lewis for his availability and his kindness.