Juni Ba : « Pour Monkey Meat, je voulais un univers aussi cartoon et barré que possible pour m’amuser avec et être créatif. »

Le créateur de l’incroyable Monkey Meat évoque son parcours, ses influences et sa folie créatrice !


Parcours artistique et liberté créative

Quel a été votre parcours pour devenir dessinateur de bande dessinée ?

Juni Ba : Assez classique je pense. J’ai fait 4 ans d’études en école d’art sur Montpellier. Mais ça a surtout aidé à affiner le travail que je faisais déjà par moi-même, en tirant profit des avis des profs.

Par quel biais êtes-vous arrivé à la bande dessinée en tant que lecteur ? 

Juni Ba : Tous ! Je lisais absolument tous les formats. Le comics est arrivé plus tard par manque d’accès, mais mon adolescence et enfance avait des productions de partout. Je crois que je ne faisais pas de distinction. C’était de la BD peu importe l’origine.

Monkey Meat #1

Vos productions récentes indépendantes (Djeliya, Monkey Meat) sont passées par le marché américain (TKO, Image). Pourquoi ce choix plutôt que le marché français ? Une plus grande liberté de création ? Toucher plus de monde ? Davantage de connexion avec votre culture artistique et personnelle ?

Juni Ba : C’était pas vraiment un choix en soi. Mais après deux ans de tentatives à publier Djeliya en France, à essuyer des refus et situations qui semblaient indiquer un manque de compréhension ou d’ouverture de l’industrie française, je me suis tourné vers le marché Américain qui me manifestait beaucoup plus d’intérêt. Djeliya est donc sorti aux US, a gagné plusieurs prix, obtenu pas mal d’attention, et les offres de projets se sont suivies depuis dans l’industrie Américaine. L’ironie c’est que maintenant je reçois des offres d’organisations françaises avec qui j’aimerais tout à fait travailler, mais je n’ai plus le temps !

Monkey Meat

Comment est né le projet de Monkey Meat ?

Juni Ba : A la base c’était un projet crée au lycée, qui changeait constamment, par la suite les projets s’accumulant, j’avais envie d’un monde dans lequel mettre en scène toutes les histoires et concepts un peu fous que je ne pourrais pas utiliser ailleurs. Je voulais un univers aussi cartoon et barré que possible pour m’amuser avec et être créatif.

Monkey Meat #1

On peut dire que dans Monkey Meat, vous vous payez le capitalisme et ses dérives. Pourquoi avoir voulu traiter ce sujet ?

Juni Ba : L’ironie est que ce n’est pas du tout cet objectif qui a motivé la création de la série. C’est juste que comme tout le monde je vis au XXIème siècle, à l’ère du capitalisme, et quand on choisit un lieu régit par une megacorporation comme contexte pour ses histoires, on se retrouve forcément à aborder ces sujets, et se défouler un peu pour exprimer la frustration qu’on ressent en vivant dans le monde d’aujourd’hui.

Votre série traite d’un sujet politique et sociétal. Pensez-vous que la bande dessinée s’empare suffisamment de ce type de sujet ?

Juni Ba : Parce qu’elle parle d’autre chose que des sujets politiques ?

Pourquoi avoir fait le choix de la série anthologique ? Qu’est-ce que cela apporte à votre propos ?

Juni Ba : En fait c’était surtout pour pouvoir changer de genre ou de sujet fréquemment, et m’entrainer à écrire des histoires courtes. En plus c’est parfaitement en adéquation avec le format de publication mensuel des Etats-Unis.

Vous trouvez un juste équilibre entre le divertissement et les thèmes que vous abordez. Est-ce un équilibre qui a été difficile à trouver en termes d’écriture ?

Juni Ba : Je dirais que non. J’ai grandi avec Cartoon Network comme principale influence, et je crois que ça intègre une très bonne notion de l’équilibre entre humour et véhiculer son propos. Après le reste c’est de l’entrainement pour le maitriser !

Monkey Meat #3

Ecriture

Dans vos œuvres, vous incorporez un côté étrange et décalé. C’est un aspect que vous aimez incorporer dans votre travail ? Pourquoi ?

Juni Ba : Je pourrais donner une explication complexe je pense, mais je résumerais par la phrase que mes proches utilisent : “il est grave chelou”.

Dans Djeliya et d’une certaine manière aussi dans Monkey Meat, vous évoquez votre culture africaine. Dans quelle mesure est-ce important pour vous d’en parler dans vos œuvres ?

Juni Ba : Je ne sais pas si c’est important, mais c’est le contexte dans lequel j’ai grandit. C’est, je pense, tellement imprimé dans mon cerveau que c’est impossible pour moi de ne pas l’incorporer dans les projets qui s’y prêtent.

Rédigez-vous des scripts détaillés de vos histoires ? Quelle part de liberté vous laissez-vous en termes de dessin au moment de réaliser la bande dessinée ?

Juni Ba : Je n’ai jamais écrit de script ! J’écris en dessinant. Des tonnes de notes et de gribouillis qui sont ensuite organisés en un story-board pour voir si tout tient ensemble. Ca permet une narration très visuelle.

Monkey Meat #3

Dessin

En lisant vos œuvres, on perçoit des influences tout autant asiatiques qu’américaines, voire des techniques d’animations plutôt cartoonesques. Comment avez-vous élaboré votre style graphique ? Quelles sont vos influences ?

Juni Ba : Je crois que à ce stade j’ai puisé dans tout ce que j’ai vu et lu qui m’a marqué depuis petit. Donc il y a du Genndy Tartakovsky, du Mignola, du Hiroyuki Takei et du Hiromu Arakawa autant que du Franquin. Aujourd’hui je rajouterais Chris Samnee dans la liste.

Les onomatopées ont une part importante dans l’élaboration de vos planches. Comment travaillez-vous dans ce domaine ?

Juni Ba : A l’instinct ! C’est un peu comme essayer de véhiculer une sensation par le trait. Quel trait va au mieux représenter la peur par exemple? Ou le son d’une explosion.

En termes de couleurs, vous utilisez toujours les mêmes teintes à dominante jaune orangé. Pourquoi ce choix et cela fait-il finalement partie de votre style graphique ?

Juni Ba : Parce que j’aime le jaune… Mes amies m’ont même offert un tableau pantone du jaune que j’utilise dans la plupart de mes dessins ! C’est vraiment juste une affaire de goût et de ce que j’aime regarder.

Djeliya

Autres questions

Monkey Meat est sorti chez Panini qui a produit de nombreuses œuvres provenant de chez TKO. Pas de Djeliya à l’horizon en VF ?

Juni Ba : Je pourrais vous le dire mais après je devrais vous éliminer…

Vous collaborez avec la plateforme Kugali. Pouvez-vous nous en parler ? De quoi s’agit-il ?

Juni Ba : Kugali est une compagnie multimédia nigériane qui publie des comics, et produit des jeux et de l’animation. Je n’y suis plus depuis quelques années mais ils ont une série annoncée chez Disney, si jamais vous voulez jeter un oeil.

Djeliya

Projets et lectures

Quels sont vos projets à venir en termes d’écriture de comics ?

Juni Ba : Pour l’instant tout ce dont je peux parler c’est la sortie de mon prochain livre the Unlikely Story of Felix and Macabber chez dark Horse en octobre ! Pour le reste, c’est malheureusement top secret…

Quels comics lisez-vous actuellement ? Des coups de cœur ?

Juni Ba : Alors, attendez, je vais chercher mon micro pour chanter les louanges de Laila Starr ! Quoiqu’en y réfléchissant je pense que c’est un livre qui se lit mieux sans aucune info sur le sujet.

Entretien réalisé par échange de mails. Merci à Juni Ba pour sa disponibilité et sa gentillesse !