Oblivion Song Tome 1 (VF – Delcourt)

Robert Kirkman débarque en France avec le tome 1 de sa nouvelle série Oblivion Song alors que les Américains n’ont droit qu’à l’épisode #1. Joli coup de Delcourt qui semble travailler en parfaite entente avec le scénariste. Ce volume contient les 6 premiers numéros, de quoi bien mettre en place son histoire.

Il y a dix ans, 300 000 habitants de Philadelphie ont disparu dans une autre dimension. Les multiples tentatives du gouvernement pour ramener ces personnes ont échouées. Désormais, seul Nathan Cole, un scientifique ayant fabriqué un moyen de se rendre dans cette dimension persiste à vouloir extraire les survivants qu’il trouve. Mais tous souhaitent-ils réellement revenir ?

L’idée de base est pleine de promesses mais Robert Kirkman a-t-il réussi à l’exploiter ? La réponse est oui, oui, oui et encore oui !

Le postulat de départ impose de façon évidente Nathan Cole comme une sorte de héros. Il risque sa vie pour sauver des humains que le gouvernement a abandonnés. Le monde extra-dimensionnel montré par Kirkman, univers dévasté, rempli de monstres plus laids et effrayants les uns que les autres abonde dans ce sens, ainsi que le couple qu’il sauve, heureux de revoir leurs proches. Mais le tableau dressé s’effrite rapidement. L’on découvre la réelle motivation de Cole, les désaccords de ses soutiens et amis, les financements qui cessent. Toutes les apparences sont trompeuses dans l’histoire de Kirkman. Cole n’est peut-être pas la belle âme qu’il semble vouloir être. Le monde terriblement hostile n’est-il peut-être pas la Terre plutôt que celui de l’autre dimension ?

Le personnage principal, Nathan Cole, a une personnalité complexe que l’on découvre au fur et à mesure de l’histoire au travers de ses relations avec sa compagne ou ses associés. A la fois déterminé mais pétri de doutes, affichant une certaine intégrité mais cachant bien des choses. Kirkman en fait un protagoniste très intéressant et attachant. Le scénariste renforce les doutes sur le bien fondé des actes de Cole en s’intéressant aux traumatismes des survivants revenus sur Terre. D’abord au travers du couple sauvé et puis surtout en observant l’un de ses associés, lui-même survivant de la dimension. Les crises, les doutes, la difficulté de retrouver une vie sociale sont bien orchestrés. De même, la description de la vie des survivants restés dans la dimension, qui pour la plupart ne veulent pas rentrer, permet à Kirkman de proposer l’idée d’un monde où l’entraide, la solidarité et les relations sociales priment sur les biens matériels. La scène suivant l’arrestation de Cole à son retour sur Terre vient enfoncer le clou.

Kirkman conserve ce rythme qu’on lui connaît sur ses autres séries, notamment les excellents Invincible et Walking Dead. Son sens du twist et ses cliffhangers ont toujours un effet ébouriffant. Chaque scène permet de faire évoluer les personnages tout en semant des indices qui introduisent le doute dans l’esprit du lecteur sur les apparences de ce qu’il observe. Le récit est haletant, riche en rebondissements et façonne des personnages fragiles qui gagnent en épaisseur au fil du tome. Les dialogues sont justes et les relations entre les personnages réalistes. C’est un régal d’écriture.

Aux dessins, Lorenzo De Felici, que je ne connaissais pas, propose un style original et qui, associé à la colorisation de Annalisa Leoni, impose une tonalité graphique à la série. Le monde extra-dimensionnel fait de monstruosités, de plantes géantes et de dévastation est bien agencé, crédible et original. La mise en page et les cadrages ne sont pas clinquants mais d’une très grande efficacité pour maintenir le rythme du storytelling imposé par Kirkman. Le trait est hyper régulier, les décors travaillés et les tons toujours nuancés, jamais vifs. Des dessins qui conviennent parfaitement avec la série.

L’édition de Delcourt est très propre bien que clairement chiche en bonus, comme souvent : quelques couvertures et c’est tout.

Robert Kirkman lance sa nouvelle série et c’est clairement un énorme coup de cœur. La barre est haute, garder ce niveau pour le tome 2 sera un défi. Je fais confiance à l’auteur qui nous a déjà démontré son savoir-faire ! Déjà indispensable !

 


L’avis de Kidroy – 9/10

Suite à l’arrêt, en forme de bras d’honneur aux numéros anniversaires calibrés, de sa version du super-héros, voici la chanson de l’oblivion. Parchemins nouveaux d’où sortent des draps créatifs géniaux de l’auteur, et avec un privilège particulier pour nous. Oblivion Song, publié chez Image aux Amériques, dont seule la première issue est disponible là-bas, leur échappe déjà. Le titre débarque en avant première chez Delcourt, dans une version compilée des premiers numéros. Fait rare, mais pas inédit (Hadrian’s wall par Glénat), mais qui mérite tout votre attention : l’auteur de The Walking Dead publie sa dernière série en France, puis chez lui. En prime, c’est tout simplement excellent.

Sans revenir sur l’intrigue, Kirkman insiste sur une idée, sans l’obliger, où l’imposer, avec une crédibilité unanime. Non pas une crédibilité factuelle, mais plutôt celle de personnages, fantasmée par un monde impossible. Les personnages, grâce à une écriture parfaite accréditent cette disparition massive, urbaine, humaine et de repères. Tout en se reposant sur des thématiques et des sujets sociétaux communs et amples, Kirkman se sert parfaitement du récit, de la fiction, pour nous écrire des visages humains. Comme pour TWD, où le contexte ne sert que de fond disgracieux, l’Oblivion, sorte de super nature sauvage supporte avant tout des noms et des caractères. Le parti pris s’accepte, se mûrit, sans surplus explicatif, uniquement au travers de portraits totalement vrais. 

On croit à tout, à tout ce qui se dit, ce que l’on voit. Pour autant, l’intrigue ne s’efface pas, avance, motivée par des destins brisés ou accomplis. D’une véracité horrible, mais tendre parfois, l’Oblivion délaisse l’horreur de l’apocalypse marchante, et se rapproche de questions universelles, de tous les jours. Le drame, l’amour et les liens, ou le but, autant de couplets et de quêtes du quotidien, parfaitement traduits par un auteur portraitiste. 

Oblivion Song c’est le chant du signe de l’autorité artistique crédible. L’unique besoin pour une histoire, une idée certes, mais surtout des personnages qui vivent, se développent, doutent. L’Oblivion c’est bien ça, s’incarne dans des figures. Kirkman vient, encore une fois, de marquer son monde, dans un french kiss délictueux. 


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