Bilan et perspectives – VF – 2020-2021

Le bilan de l’année 2020 ne peut que commencer par ce qui nous a tous impactés, individuellement ou collectivement : la pandémie. D’un point de vue purement comics, avec deux fermetures totalisant environ 3 mois, elle a forcément modifié le paysage de l’édition. Difficile d’avoir une visibilité pour 2021 qui, espérons-le, sera meilleure que 2020. Espérons-le.

 

Des librairies fragilisées mais pas sans espoir

Totalement fermées dès le début du premier confinement, les librairies ont essayé de trouver rapidement des moyens de palier à l’impossibilité d’ouvrir au travers du clique et collecte et du numérique, dispositifs davantage rentrés dans les meurs des lecteurs lors de la période automnale. L’été semble avoir redonné des couleurs à nos meilleurs conseillers avec des fréquentations plus conformes à une activité normale. Et malgré le deuxième confinement, la possibilité de rouvrir juste avant les fêtes pourrait sauver une fin d’année plutôt sombre. Malgré la morosité ambiante, on peut garder espoir pour nos libraires qui ont, de plus, bénéficié du soutien de leurs fidèles clients.

 

Des éditeurs qui s’adaptent

Le premier confinement a amené les éditeurs à décaler leurs sorties et à en réduire le volume, dans un premier temps. Tous, à l’exception peut-être de Panini dont on ne sait pas vraiment s’il a diminué ses parutions tant il y en a, ont réduit la voilure, voire reporté ou annulé des titres. Des destins variés que nous allons passer au crible au travers d’une petite revue d’effectif…non exhaustive, à laquelle nous allons tenter d’ajouter quelques projections.

 

HiComics, l’éditeur qui enthousiasme !

L’éditeur qui semble avoir réalisé, malgré tout, une bonne année est HiComics, notamment grâce à la qualité des titres proposés. Bitter Root et Invisible Kingdom ont remporté des Eisner, les Teenage Mutant Ninja Turtles ont retrouvé des couleurs et s’avèrent une des meilleures séries du marché actuel, These Savage Shores est sans doute l’une des sorties de l’année, Skyward a démontré son originalité et l’éditeur peut toujours s’appuyer sur sa franchise phare Rock & Morty. On ne peut que louer la politique éditoriale d’HiComics qui privilégie la qualité à la quantité. Et les annonces faites pour 2021 sont enthousiasmantes ! A commencer par Alienated, série de Si Spurrier à la très bonne réputation. La suite de Bitter Root, la fin de Skyward, et sans doute quelques séries indés en provenance de chez Boom ou Vault vont s’ajouter. On pense en particulier à We only find them when they’re dead (supputation…) où s’illustre l’incroyable Simone Di Meo, mis en avant cet automne par l’éditeur. On aimerait bien aussi voir arriver Thumbs de Sean Lewis et Hayden Sherman (mais ça c’est nous qui avons envie…). Notre coup de cœur TMNT reviendra avec 3 nouveaux tomes de la série régulière de Tom Waltz, un troisième tome classic au succès incroyable et sous forme de souscription, les micro-séries. Un beau menu pour une franchise qui a encore besoin de quelques lecteurs pour être rentable ! Allez-y, foncez ! HiComics devrait passer une bonne année 2021 !

 

Delcourt, la qualité malgré des trous dans la raquette

L’éditeur reste un acteur majeur du comics en France en proposant une sélection pointue et toujours originale qui vise à entretenir la diversité du comics en VF. Parmi les grosses réussites, on pense aux excellents Stray Bullets ou Murder Falcon, aux œuvres de Terry Moore qui méritent toujours le coup d’oeil, par exemple. Néanmoins, la multiplication des intégrales de séries déjà éditées et pas forcément épuisées, dénote, indépendamment de l’excellente qualité des ces dernières, sans doute la nécessité de retrouver un lectorat dont une partie s’est peut-être évaporée avec la fin de Walking Dead, par exemple. Certaines séries dont on ne voit plus la couleur (Redneck, Manifest Destiny, …) révèlent également la difficulté d’implanter certains titres dans un paysage comics surchargé. Enfin, l’étrange absence des titres d’un de leur auteur phare : Ed Brubaker, détone. Le scénariste a produit une grosse dizaine d’épisodes de Criminal – dont Delcourt a sorti l’arc en deux, Sale Weekend – et les Graphic Novel Pulp et Reckless. Mais rien à l’horizon du côté de l’éditeur. S’il calque ses sorties sur le travail VO d’Image, on peut s’interroger sur ces absences au catalogue. Pour 2021, on attend aussi avec impatience That Texas Blood notamment, gros coup de cœur, déjà annoncé, tout comme Grendel Kentucky de chez AWA et espérons-le, d’autres tomes de Stray Bullets et du Brubaker. Farmhand tome 3 et Folklords de Matt Kindt sont les sorties du début d’année que l’on attend également !

 

Bliss Editions, au creux de la vague Valiant

L’éditeur bordelais a diversifié sa production avec des titres jeunesse. Judicieuse idée si l’on observe la faible qualité des titres Valiant qui sont arrivés cette année. Si un relaunch de l’éditeur américain est attendu à l’été 2021, il faudra attendre 2022 pour en avoir une idée en VF…d’ici là, on se consolera avec le deuxième tome de l’incroyable Kaijumax et la série Harbinger des années 90 attendus en février ! En espérant d’autres sorties vintage pour mettre en valeur l’univers Valiant de la fin du XXème siècle !

 

Akileos, on adore mais …

Akileos produit toujours des comics originaux, atypiques et dans de très belles éditions. Stand Still Stay Silent ou Space Boy paraissent avoir une bonne petite base de fans. Malheureusement, les ventes ont du mal à décoller sur certains titres. On pense à Giant Days qui, même en intégrale, ne semble pas avoir séduit, ou à Pogo dont, à notre grande tristesse, le financement participatif n’a pu atteindre son objectif de 100 pré-commandes. Ces deux exemples illustrent la difficulté d’imposer une certaine diversité. En plus des intégrales EC Comics qui ont leur public, le troisième tome de Space Boy est attendu pour le début d’année, ce qui semble signifier que la série fonctionne bien mais pour le reste, la visibilité est encore très floue.

 

Delirium, toujours sur le pont

L’éditeur de feu Richard Corben en France maintient avec raison son petit nombre de sorties. Du Byrne, du Corben, du Veitch nous ont comblé cette année et devrait faire de même l’an prochain où l’on attend avec impatience le tome 2 de Next Men en février, le tome 3 de Vietnam Journal ou encore Can’t get no de Rick Veitch !

 

Glénat qui coule

Le Label Comics semble avoir quasi disparu des radars si l’on excepte Lady Mechanica et Lazarus. Très belle surprise de cette fin d’année, Coda, est l’arbre qui cache ….et bien plus rien puisque le prochain titre comics que va sortir l’éditeur, Adventureman de Fraction et Dodson, sera publié par la branche BD de l’éditeur. Tout est dit. On regrettera que l’éditeur ne finisse pas certaines séries comme Harrow County ou Sex Criminals…

 

 

Batman Comics …heu… Urban Comics

Cliché désormais passé dans le langage courant, railler Urban comme étant un éditeur publiant essentiellement du Batman au détriment du riche patrimoine de DC Comics, est une évidence. Même si l’éditeur a lancé sa nouvelle collection DC Confidential qui s’intéresse à des titres plus confidentiels, on reste un peu sur notre faim sur certains points. Certes, les lecteurs achètent sans doute plus facilement du Batman mais le cercle vicieux doit pouvoir être stoppé. De nombreux titres old school, dont on ne voit pas la suite, ont été laissé en suspens (Superman de Byrne, JL International, Suicide Squad par Ostander, Flash par G Johns, …). Restent des gros volumes aux prix très intéressants pour de nombreuses sorties, souvent dans de belles éditions. Côté indé, la politique d’auteur fonctionne toujours bien. On attend du Jeff Lemire (The Question, (chez DC, d’accord mais on n’est pas loin de l’indé, non ?), Black Hammer, Family Tree, Ascender…) et plusieurs fin de séries : Deadly Class, Paper Girls, East of West… Enfin, se pose l’avenir de DC Comics en VO qui va bien sûr influer sur la politique éditoriale d’Urban. Les sorties VF sont actuellement très proches des sorties VO mais le manque de visibilité aux USA ne permet pas de deviner les plans de l’éditeur français.

 

Panini revient sur le devant de la scène en indé

C’est ce que l’on retiendra de cette année 2020 et des annonces pour 2021. En acquérant les titres TKO et certains titres AWA, l’éditeur italien revient en force sur le terrain de l’indé qu’il avait fortement déserté ces dernières années. On regardera désormais à nouveau dans le rayon Panini des librairies. Malgré tout, les reproches habituels que l’on fait à l’éditeur sont toujours de mise : une grille tarifaire – certes remaniée sur certaines collections – excessive et manquant de réflexion et un travail éditorial pauvre. D’un point de vue Marvel, l’éditeur est évidemment dépendant de ce qui se fait aux USA même si un peu de cohérence dans les sorties serait sans doute bienvenue. Peut-on également espérer un retour, même ponctuel, de la collection Icons, prisée par de nombreux lecteurs ?

 

Du plaisir en vue malgré tout !

Si la pandémie a impacté le marché du comics en France, force est de constater que le nombre de sorties est encore très (trop ?) conséquent et la variété des titres, encore très riche. Si l’on ne saura invité toujours plus les lecteurs à être curieux en allant tenter un titre Akileos ou Delirium plutôt que le tome 24 de la dernière série Spider-Man qui ne vaut pas tripette (par exemple…), le marché ne semble pas s’être véritablement comprimé. La situation sanitaire sera bien évidemment déterminante pour le déroulé de l’année 2021 mais aux vues des annonces déjà faites et en espérant que chaque éditeur pourra trouver sa place pour maintenir son activité, l’année prochaine ne devrait pas manquer de bonnes lectures ! Reste à découvrir si et où nos séries VO préférées de 2020 (Wynd, The Dept of truth, Crossover, Stillwater, Bliss, November, Seven Secrets…) vont pouvoir débarquer…

 

On se retrouve dans quelques jours pour un « Bilan et perspectives – VO – 2020-2021 » !