Interview – Mike Spicer

Coloriste des séries de Daniel Warren Johnson notamment, l’autodidacte Mike Spicer nous fait part de son parcours atypique et de sa vision du monde des comics au travers d’un entretien où la bonne humeur est à tous les coins de phrases. 

For English speakers, please find lower the interview in its original version.


Quelle est votre « origin story » en tant que coloriste ?

Mike Spicer : En 2007, j’étais barman et je sortais souvent dans les bars après le travail. Un de mes amis barman (Tony Gregori) et moi avons entamé une conversation sur l’art (j’ai toujours été un artiste, mais je n’avais jamais vraiment trouvé mon médium jusque-là) et il m’a demandé si je pouvais coloriser une couverture pour son comic indépendant. J’ai répondu que je pouvais essayer et j’ai revu un DVD que j’avais acheté par hasard quelques années auparavant (The Spawn way de Brian Haberlin). J’ai fait la couverture, et son coloriste principal ayant démissionné, il m’a demandé si je voulais coloriser le comic. Nous avons fait un autre numéro, nous sommes allés à quelques conventions, y compris la SDCC, ce qui m’a amené un autre job. Puis j’ai eu plus de demandes en mettant en ligne quelques échantillons de mes travaux, et grâce au bouche à oreille, finalement en 2015 j’étais assez occupé pour laisser tomber mon job de barman, et faire du comic à plein temps !

Lisiez-vous des comics étant jeune ? Du super-héros ? De l’indé ?

Mike Spicer : Bien sûr ! je lisais surtout Uncanny X-Men, Classic X-men, Wolverine, Batman, GI Joe. Mais honnêtement, j’étais davantage intéressé par les dessins que par la lecture à cette époque. J’essayais d’imiter ce que contenaient les livres, j’ai toujours mon livre How to draw comics the Marvel way de Stan Lee et John Buscema !

 
Quelles sont vos influences artistiques ?

Mike Spicer : J’aime à penser que je suis influencé par beaucoup d’artistes de différents medias. Mais à propos de coloristes, je dirais d’abord Christian Lichtner. Après avoir arrêté de lire des comics pendant plusieurs années, j’y suis revenu en 2007. Quelques mois plus tard, en 2008, Ultimates #3 sortait et Christian Lichtner m’épatait. Je n’avais jamais rien vu de tel dans une bande dessinée, c’était incroyable. Puis j’ai découvert le travail de Dave Stewart et c’est probablement lui qui a eu le plus d’impact sur mon travail, j’adore ce qu’il fait. Je dis toujours que mon but est de perdre un Eisner au profit de Dave Stewart. Il y a aussi Matt Wilson, Elizabeth Breitweiser, Matt Hollingswoth, Jordie Bellaire, Marte Gracia, Tomeu Morey, il y en a tellement…

D’un point de vue technique, comment travaillez-vous ?

Mike Spicer : Je travaille avec Photoshop, une tablette Wacom et un clavier Logitech G13 pour les raccourcis clavier. Je n’ai pas vraiment fait de mise à jour depuis un moment, c’est simple et ça fonctionne parfaitement. Je n’ai vraiment pas envie d’être plus mobile, je ne fais pas beaucoup de conventions, et je suis quelqu’un d’un peu casanier, ma maison est mon endroit préféré.

Vous travaillez avec Daniel Warren Johnson sur ses séries Extremity, Murder Falcon et Wonder Woman Dead Earth. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Entretenez-vous une relation spéciale avec lui ?

Mike Spicer : Ha  ! En fait, je n’ai pas techniquement rencontré Dan, du moins en personne, bien qu’il ait essayé à plusieurs reprises de me faire venir dans des conventions. Je pense qu’il a vu mon travail sur Head Lopper, et le rédacteur de Skybound m’a contacté, si je me souviens bien. En fait, c’est Dan qui a amélioré mes échantillons de pages pour Extremity. Parfois, il suffit d’accrocher avec le style d’un dessinateur et ce qu’il apprécie en matière de palettes et de rendu. Mec, Dan est le meilleur, il me laisse faire à peu près tout ce que je veux, et ça marche! Après cinq ans, je crois que je sais un peu ce qu’il cherche. Parfois, il me demande quelques modifications, mais ce n’est jamais un changement complet. C’est juste un gars très gentil et avec qui il est facile de travailler. Je m’amuse vraiment beaucoup avec son travail et j’espère qu’il va percer davantage encore.

 
Vous avez travaillé sur Shirtless Bear-Fighter de Jody LeHeup. Aviez-vous déjà travaillé sur un comic aussi dingue ?

Mike Spicer : Ah, ah, oui, c’était un comic amusant, mais en fait j’ai travaillé sur d’autres comics humoristiques. Mais Shirtless Bear-Fighter remporte la palme du plus déjanté !

Est-ce que vous avez une approche différente en fonction du genre de l’histoire sur laquelle vous travaillez ?

Mike Spicer : Bien sûr, des histoires différentes nécessitent des approches différentes. J’essaie de me pousser à changer de style quand je prends un nouveau livre, d’essayer de nouvelles techniques, surtout parce qu’on peut le faire, et c’est bien de garder une certaine fraîcheur et de se remettre en question.

 
Aimez-vous avoir une certaine liberté dans votre façon de travailler ou préférez-vous avec une direction donnée par le dessinateur ou le scénariste ?

Mike Spicer : À ce stade, je pense avoir travaillé avec tous les types de dessinateurs et d’éditeurs. Certains sont vraiment directifs, d’autres pas du tout. Cela ne me dérange pas d’avoir une direction, la communication est une grande partie de ce qui fait le succès d’un projet pour moi. De plus, si quelqu’un recherche un style ou une ambiance spécifique, il vaut mieux le savoir dès le début que lorsque les pages sont terminées. Je dirais qu’être perfectionniste rend les choses difficiles. Je comprends que les gens veulent les choses d’une certaine manière, mais il y a des délais. Comme je l’ai dit, Dan me laisse faire ce que je veux et ça marche. Les dessinateurs veulent une chose, les éditeurs en veulent une autre, tandis que moi je fais autre chose, et le résultat final donne au livre un aspect incohérent.

Le rôle du coloriste est souvent primordial dans la réussite d’un comic et pourtant, il est souvent sous-estimé. Qu’en pensez-vous ?

Mike Spicer : Je ne sais pas si c’est essentiel, mais je sais que les livres en noir et blanc sont difficiles à vendre, même si Walking dead a réussi son coup, ha. Mais je reconnais que le coloriste est sous-estimé, peut-être même que la plupart des lecteurs n’y pensent pas du tout, mais c’est peut-être justement dans ces cas-là que le travail est bien fait. Il est très facile de repeindre une page et de détourner l’attention du lecteur du dessin. Un rédacteur en chef (lorsque je faisais une revue de portfolio) m’a dit : « Je ne connais pas grand-chose aux couleurs, mais je connais les mauvaises couleurs ». Je pense que c’est vraiment ce dont il s’agit, un bon coloriste  valorise le dessin et est en phase avec le dessin.

Sur quel genre d’histoire préférez-vous travailler ?

Mike Spicer : Hmm, difficile à dire, j’aime créer des ambiances pour toutes sortes d’histoires, chacune a son propre ensemble de défis. Il y a différents personnages et artistes avec lesquels j’aimerais travailler. J’aimerais vraiment travailler sur un comic Batman, ou plutôt une série ongoing. X-men, Wolverine, Hellboy. En ce qui concerne les artistes, la plupart sont déjà mariés à un coloriste à ce stade.

 
Quels sont vos futurs projets ?

Mike Spicer : J’ai quelques projets encore non sollicités, l’un avec DC, l’autre avec Skybound, mais pour l’instant la plupart de mes travaux sont en pause en raison de la pandémie, et personne ne commence vraiment de nouveaux projets pour l’instant. J’espère que les choses vont s’améliorer pour nous tous, et que nous allons bientôt commencer à lancer de nouveaux projets.

Lisez-vous des comics actuellement ? Lesquels ?

Mike Spicer : Quand je trouve le temps, oui.  Soit en achetant des singles (je viens d’acheter le Batman #86 et #87 pour regarder les couleurs de Morey) et en bavant d’admiration devant le travail des autres coloristes, soit en rattrapant mon retard sur des séries comme Rumble, Black Hammer, Hellboy, Harrow county, Black Science, Chew…

Cet entretien a été réalisé par échange de mails. Merci à Mike Spicer pour sa disponibilité et son enthousiasme.


English version
Colourist of Daniel Warren Johnson’s series in particular, the self-taught Mike Spicer shares with us his atypical background and his vision of the world of comics through an interview where good humour is omnipresent.
What is your « origin story » as a colorist ?

Mike Spicer : Well, back in 2007 I was a Bartender, and going out to bars a lot after work, and one of my bartender friends (TonyGregori), and I got into a conversation about art (I’ve always been an Artist, just never really found my medium till then) and he asked if I could color a cover for his indie comic. I said I could try and I rewatched a DVD I had coincidentally bought a couple years before (The Spawn way by Brian Haberlin). I did the cover, and his main colorist happened to quit, so He asked if I wanted to color the book. We did another issue, went to a few cons, even SDCC, that led to another gig, and then I got more work by posting practice stuff online, and word of mouth, eventually in 2015 I was busy enough to quit Bartending, and do comics full time!

Did you read comics when you were younger? Superhero, indie?

Mike Spicer : For sure, I mostly read Uncanny X-Men, Classic X-men, Wolverine, Batman, Gi Joe. Honestly though, I was way more into the art than the reading at that time. I would try to emulate what was in the books, I still have me How to draw comics the Marvel way by Stan Lee, and John Buscema!

Who are the artist who influence you?

Mike Spicer : I like to think I take influence from a lot of artists from various mediums, but as far as Colorists, when I got back into comics it was late ‘07, and Ultimates 3 came out in ‘08, and Christian Lichtner had just blown me away, I stopped reading comics a long time before this, and had never seen anything like it in a comic, it was amazing. Then I found Dave Stewart’s work and he has had probably the most impact on my work, I love what he does. I always say my goal is to lose an Eisner to Dave Stewart. Also Matt Wilson, Elizabeth Breitweiser, Matt Hollingswoth, Jordie Bellaire, Marte Gracia, Tomeu Morey, there’s just so many..

Technically, how do you work?

Mike Spicer : Photoshop, a Wacom tablet, and a Logitech G13 keypad for keyboard shortcuts. I really haven’t upgraded in a while, it’s simple and it just works. I really have no desire to be more mobile, I don’t do many conventions, and I’m kinda a homebody anyway, its my favorite place.

You work with Daniel Warren Johnson on his series : Extremity, Murder Falcon, Wonder Woman Dead Earth. How did you two meet? Your relationship is special, isn’t it?

Mike Spicer : Ha I actually haven’t technically met Dan, in person at least, though he has tried several times to get me to a con. I think he saw my work on Head Lopper, and the editor from Skybound reached out, if I recall correctly. Really it was Dan just diggin my sample pages for Extremity. Sometimes you just click with an illustrators style, and what they appreciate as far as palettes and rendering. Dude, Dan is the best, he pretty much just lets me do whatever, and it just works. After I guess 5 years now, I kinda know what he’s looking for. He has some edits, but its never a complete change or anything, also he’s just a really nice guy and easy to work with. Also I really just have a blast with his work, and I hope it comes through.

You worked with Jody Le Heup on Shirtless Bear Fighter. Did you ever work on a crazy comic book like that before?

Mike Spicer : Lol yeah that was a fun book, actually no I did some other comedic books, but SBF takes the pancake!

Depending on the genre of the story, do you approach your work differently? For a thriller like Dead Eyes or for a crazy story like Shirtless Bear Fighter?

Mike Spicer : Sure, different stories, and art require different approaches. I try to push myself to change up my style when taking on a new book, try new techniques, mostly just because you can, and its good to keep things fresh, and challenge yourself.

Do you like to have some freedom or do you need direction from the cartoonist or author?

Mike Spicer : At this point I think I’ve worked with every type of Illustrator and editor. Some are REAL hands on, and some not at all. I don’t mind getting direction, communication is a big part of what makes a project successful for me. Also, if someone is looking for a specific style, or mood, its best to know up front than after pages are finished. I will say being a perfectionist makes things difficult. I get people wanting things a certain way, but there are deadlines. Like I said Dan just lets me do whatever and it just works. I’ve had Illustrators want one thing, and editors want another meanwhile Im doing something else, and the end results make a book look incoherent.

The role of the colourist is essential in the success of a drawing and yet it is often underestimated. What do you think about it?

Mike Spicer : I don’t know if it is essential, I do know black and white books are a hard sell, though Walking dead did ok, ha. But I do agree it’s underestimated, maybe just even not thought of at all by most, but maybe that’s when you’re doing your job well. It’s really easy to overpaint a page, and deter the readers eye from the line art. I had one Editor (when I was doing a portfolio review) say “I don’t know much about colors, but I know bad colors”. I think that’s really what it comes down to, a good colorist compliments the art, and is in sync with the art.

What kind of story would you rather work on?

Mike Spicer : Hmm, hard to say, I love creating the mood for all kinds of stories, each has its own set of challenges. There are different characters, and artists I’d like to work with. I’d really like to work on a Batman book, or I should say an ongoing book. X-men, Wolverine, Hellboy. As far as Artists, most are already married to a Colorist at this point.

What are your future projects ?

Mike Spicer : I do have a couple unannounced things, one with DC, one with Skybound, but right now most of my work is on pause with the pandemic, and no one is really starting new projects yet. I’m hoping things pick up for us all, and start making new stuff soon.

Do yo read comics ? Which ones ?

Mike Spicer : I do when I can, either buy singles (literally just bought Batman #86 & #87 to look at Morey’s colors) and drool over other Colorists work, or just play catch up on books I fell behind on like Rumble, Black Hammer, Hellboy, Harrow county, Black Science, Chew..

Interview made by email exchange. Thanks to Mike Spicer for his availability and enthusiasm.