Tout a déjà été dit sur ce numéro, les critiques pullulent de tous bords, sur tous les sites spécialisés. Néanmoins, je vous livre ici mon sentiment sur cette renaissance de la Distinguée Concurrence car vous y trouverez l’avis d’un non connaisseur de cet éditeur, ce qui est déjà bien plus rare sur la toile comics française. Je m’adresse donc à tous mais particulièrement aux bénis nouveaux lecteurs, qui comme moi ont pris le train en route sur le quai NEW 52, voir ceux qui viennent juster d’acheter leur billet. Je m’excuse d’avance auprès des connaisseurs les plus complets pour mes éventuelles imprecisions de continuité.
Comme je le disais, mon bagage DC est limité, mon socle étant constitué des kiosques Urban, de leur arrivée à maintenant, et de nombreuses lectures Gothamites, que je pense maitriser après un balayage assez accompli de toute son histoire éditoriale. A défaut d’avoir une maîtrise parfaite de l’univers DC, il sera toutefois nécessaire d’avoir suivi les sagas suivantes avant d’aborder cette lecture : Darkseid War, Titans Hunt, Superman Requiem et Superman Lois and Clark pour contextualiser au minium ce premier Hors-série. Et même si ces quelques récits venaient à vous manquer, Urban propose un édito introductif qui recentre correctement ce numéro. D’office, c’est bon, juste et ça semble gommer un enchainement de maladresses commises depuis 5 ans. Cependant, je ne pourrai juger du pardon intrinsèque au numéro, tant le retour ou l’évocation de certains personnages ne m’éveille pas le moindre souvenir émotionnel. Car nous allons suivre les déambulations temporelles de Wally West, anciennement Flash, entre la disparition de Barry depuis Crisis on Infinite Earth et Flash Reborn, déjà de Johns. Cette version de Wally avait disparu dans les limbes de Flashpoint (l’événement qui menera aux New 52) pour revenir 5 ans après, comme ce lectorat passioné mais floué par 5 années au sein d’un univers considéré comme pauvre et sans saveur. A travers ce voyage et les yeux de Wally, c’est tout l’univers DC qui est mis à plat, sur lequel la nouvelle direction éditoriale repose. Les scènes se succèdent et Johns lance les pistes futures, que les auteurs devront suivre pour arriver au point de rencontre final qui devrait arriver d’ici quelques mois ou années : Batman dans sa cave qui s’interroge sur cette triple identité du Joker, Atom enquête sur les dérives du Multivers, Blue Beetle, la fin de Pandora ou encore ce nouveau Superman … On rencense quelques passages forts, agrémentés de thématiques universelles : le passage de flambeau entre l’ancienne garde et la nouvelle génération, l’Amour, l’Amitié, autant de sujets qui rappellent l’immensité de ces personnages DC. La délivrance finale est tout aussi réussie, Wally est résigné à se perdre à jamais dans ce labyrinthe électrique, seule l’intime complicité qui l’unit à Barry parviendra à le sauver.
Toutefois, cette suite de moments teasings ne s’imbriquent pas pour la plupart, la lecture est parfois trop hachurée entre deux personnages promesses sans liens évidents. Le dessin très solide, assuré par les grands noms de DC, n’aide pas à la fluidité, un artiste est en poste par chapitre. Le rendu général reste très impressionnant, chaque artiste a sa patte reconnaissable et le poids émotif transparaît fortement. Pour autant, Johns n’oublie pas de tisser un fil rouge ténu mais suffisamment explicite. On comprend rapidement qu’un être supérieur serait le marionnettiste de tout ce cirque, qu’il serait parvenu à supprimer plusieurs années d’existence des personnages ! Mais qui serait assez omnipotent pour une telle manœuvre ? Il faudra aller chercher auprès du Nécromancien Allan Moore, ses Watchmen ! Pour les lecteurs du chef-d’oeuvre du britannique ou les spectateurs de l’excellent métrage de Snyder, il n’y a pas de doutes possibles, les indices sont clairs, Dr. Manhattan est à l’oeuvre. Même certains découpages propres à Moore et Gibbons ponctuent certaines planches. Mais comment un être aussi détaché de la réalité humaine et du concept même d’humanité peut-il se sentir concerné par ces personnages ? Le secret est entier et la brume se révèle à peine outre-atlantique, il faudra être patient. DC tente le coup de poker ultime en ramenant au sein de leur ligne éditoriale ces personnages de légende, néanmoins auto-suffisants. Johns devrait se charger du développement principal de cette intrigue, l’architecte moderne de DC devra faire preuve de prudence et de finesse si il souhaite réussir son pari, l’ambition est énorme, la promesse est folle !
Urban voit les choses en grand pour ce retour en force de DC, le format est élargi, le tarif est abordable et le travail de présentation est très satisfaisant. Entre le recentrage à l’ouverture du kiosque et les explications finales, le lecteur a toutes les cartes en main pour saisir les enjeux du numéro.
En tant que lecteur Marvel, il faut bien reconnaître que cette plongée dans les eaux DC est électrisante. Tout en proposant un bilan intelligent sur la situation, Johns décoche une intrigue gigantesque, comme une hypergénèse éditorale. La mosaïque promise entre DC classique et ce récit culte de Moore est tellement ambitieuse que j’irai forcément lire la suite proposée par Urban. Je ne vous promets pas un suivi acharné de l’offre, mais attendez vous à quelques critiques de l’éditeur aux deux tours.