Insatisfait par 5 années dans Gotham, et le labyrinthe, et le point zéro, et la perte de mémoire, et le retour par la machine, et le trou noir ; Insatisfait par 14 numéros à l’étranger ; Insatisfait par la brisure métallique du Mur. Scott Snyder est forcément insatisfait pour revenir le temps de 7 numéros encore plus audacieux. Cependant, cet album a quelque chose de plus. Scott Snyder, Jock et Batman sont sur la couverture. Mais après 7 numéros, je suis un satisfait insatisfait aussi.
Scott Snyder est devenu facilement flagrant. Le volume est décidément écrit par Scott Snyder. Mais avant d’en venir aux mains, reconnaissons l’envie d’inventer. Le Batman qui rit n’est pas sa dernière mais à peu près sa meilleure création. L’auteur est l’un des rares grands à se lancer sur une feuille de personnage vierge. Certains de ces signaux sont perdus ou oubliés, mais celui-ci émerge du noir et ambitionne beaucoup de lumière. Le Batman qui rit est un personnage déviant et entier. D’ailleurs, ce zinzin sauve la mini-série. Le Batman qui rit est accompli portant les deux masques du théâtre. Au contraire, son adversaire de joute n’est même pas une fraction. Le plan est simple. Batman doit reconnaître sa réduction à rien, ni un justicier absolu, ni un génie du bonheur, quel qu’il soit. Le Batman qui rit est tragi-comique. Pour l’aider dans sa grande révélation la chauve sourire engage au prix du sang le Grim Knight ou un Bruce Wayne qui aurait fait le choix de la poudre au feu. Ce Bruce Castle ou Franck Wayne arme un arsenal de maladresses.
La mini se replie autour d’une confrontation déséquilibrée en 2 contre 1. 3 batmans dans une mini-série pour eux. 3 batmans récapitulent le mythe de notre temps. Le Sombre chevalier amasse toutes les cartouches de ce Batman sous kevlar planqué dans son blindé ravageur, celui de l’autre Snyder et de Rocksteady. Ce Batman n’est pas le définitif ou l’absolu mais celui qui est en dernier ; Le Batman qui rit fond la pièce aux deux facettes en un hybride lui définitif. Ce Batman qui rit est le rejeton extrême du Killing Joke désossé ; Enfin Bruce Wayne le chevalier noir. Simple. Faillible. Parfait. 3 batmans dans une synthèse démolie. Snyder ne se pose et ne nous pose jamais la moindre question. Jim Gordon et Alfred ne sonderont pas plus profond.
Le Batman qui rit est aussi un récit de Snyder abîmé par le charabia scientifique récidiviste. Là les émotions et le bonheur et là sa trace dans les cellules cardiaques pour en extraire un quelconque serum. Là, l’urbanisme historique refait surface dans des cartes de 1699 avec de vieux réseaux de distribution d’eau. Puis l’impossibilité d’un dénouement, une autre habitude, balaie tous les possibles précédents. Batman a toujours deux ou trois coups de retard mais il faut conclure. La fin choc vexe. Une mauvaise chute pour une mauvaise blague de laquelle l’as de fin est sorti d’une manche. Avec bonheur il y a Jock et ces quelques détails des mots. Un jeu sur les polices et les couleurs et une carte sémantique apparaît ; un père et un fils voient le monde différemment aux travers des verres …
Le Batman qui rit est monstrueux dès sa couverture. Les signes annonciateurs étaient bons, Snyder, Jock, Batman(s). Tout était là. Mais Le Batman qui rit est un récit qui suit Bloom et Dark Nights Metal qui empestaient d’une gradation presque maladive à vouloir, et faire, de la surabondance. Comme si Snyder avait peur de s’adoucir. Le résultat est surabondant. Le volume est trop brutal, trop frontal, trop urgent. Le volume échoue son entretien psychologique alors que les patients étaient réunis avec leurs spécialistes. Le Batman qui rit est le sombre reflet d’un batman qui rate.