P comme… Pre-orders

On me demande régulièrement des conseils pour se repérer dans le monde des comics en VO. Entre les formats, le système de précommandes, les variant covers, les incentive covers, il faut reconnaître qu’il est possible de se sentir un peu perdu et que les termes sont nombreux. C’est la raison pour laquelle je vous propose aujourd’hui le premier article d’une série consacrée à la découverte des comics en VO. Il s’agira à chaque fois d’expliquer de manière simple un terme issu du jargon des comics VO, mais aussi d’en profiter pour découvrir le fonctionnement de tout une industrie. Et aujourd’hui, à une semaine de mettre en ligne ma première liste de sélections parmi les pre-orders de septembre, je pense qu’il serait de bon ton de commencer par vous expliquer ce que sont les pre-orders.

Pre-orders = précommandes

Si je voulais vous la faire courte, je vous dirais que les pre-orders sont tout simplement… les précommandes. Et je vous laisserais là, pas plus avancés. Maintenant qu’on a dit ça, pourquoi peut-on être (un peu) perdus face à cela et surtout pourquoi ce tout petit mot est aussi important ? À cause du fonctionnement même du marché comics aux USA dont les pre-orders sont la base.

En France, si on veut s’offrir un comics, c’est en réalité assez simple : il suffit de se rendre chez n’importe quel marchand de journaux libraire et de lui demander ce que l’on cherche. La plupart du temps, à moins que le tirage de ce comics soit épuisé (double peine si en plus il est édité par une maison dont le nom commence par P), vous avez toutes les chances de trouver ce que vous cherchez soit directement, soit moyennant une attente de quelques jours.

Aux États-Unis, et par extension, sur le marché de la VO, c’est une autre paire de manches. Parce qu’avant de sortir dans de beaux albums comme par chez nous, les comics sortent épisode par épisode (on les appelle single issues, mais ça, on en parlera une autre fois). Et pour être certain d’obtenir le dernier épisode de votre série préférée, il faut le pré-commander.

Un calendrier particulier

Tous les mois sortent plusieurs catalogues, un par distributeur, le plus connu étant Previews, du distributeur Diamond. Dans ces catalogues sont recensées toutes les sorties qui seront disponibles deux mois plus tard. Ainsi, en septembre nous aurons accès aux comics à paraitre en novembre. À la sortie des catalogues s’ouvre la période des Pre-Orders, qui court environ jusqu’au 20-25 du mois. Soit une fenêtre de tir de 4 semaines. Quatre semaines pour décider de la direction que prendra l’industrie tout entière, et je n’exagère pas en disant cela.

Les pre-orders, métronomes du marché

Image comics pre-orders catalog - September 2023

En effet, le nombre d’exemplaires imprimés par un éditeur est principalement fonction du nombre de précommandes qui lui sont passées par les shops et souvent, un comicshop commandera juste le nombre d’exemplaires qui lui ont été demandés. Il prendra tout de même quelques risques et se procurera des exemplaires supplémentaires pour les stocker, histoire de garnir ses rayons et ses bacs.

La plupart du temps, un vendeur (retailer) commandera pour son stock des exemplaires des nouveautés les plus attendues, ou les numéros des séries, éditeurs et artistes phares. Pour les autres titres, il n’en prendra qu’un ou deux exemplaires, ou aucun dans la majorité des cas. Parce que pour un comicshop, tout ce qui est stocké est payé, et surtout, tout ce qui est stocké doit être vendu, car aucun retour n’est possible. D’où la notion de prise de risque évoquée plus haut. Dans un marché de plus en plus compliqué, le stock représente un risque de plus en plus compliqué à prendre, à moins d’avoir les reins solides économiquement.

Vous l’avez compris, bien faire ses pre-orders est le seul vrai moyen d’être certain d’avoir ses comics VO le jour de leur sortie. Mais c’est beaucoup, beaucoup plus que cela.

Les pre-orders : de l’amour pour votre retailer

Précommander, c’est montrer à votre retailer qui abat un boulot de dingue (j’en sais quelque chose) que vous l’aimez. Et lui permettre de manger à la fin du mois. Parce qu’un comicbook précommandé est un comicbook vendu avec certitude, donc duquel le retailer tirera un revenu. Ça paraît bête, mais c’est vraiment important de l’avoir en tête. Précommander, c’est aussi montrer à votre boutique quelle est la tendance, et donc lui permettre de prendre moins de risque en constituant ses stocks. Si une nouvelle série de chez Boom! Studios est précommandée par 20 personnes, l’indice est grand pour le vendeur que cette série attire du public. Elle bénéficiera peut-être du bouche à oreille sur les réseaux à sa sortie. Le risque de prendre quelques copies de plus pour son stock est donc moins grand que si 2 personnes seulement ont précommandé cette série.

Alors bien sûr, chaque vendeur a sa propre sensibilité et un petit cœur qui bat en lui. Donc parfois, il ira dénicher un titre que personne n’a réservé et le mettra en avant dans sa boutique, parce qu’il y croit ou parce qu’il veut soutenir un artiste qu’il apprécie. Mais le risque est véritable, économiquement parlant.

Les pre-orders : du soutien pour les créateurs

Précommander, c’est aussi soutenir les artistes, surtout lorsqu’il s’agit de séries indépendantes. C’est un peu différent pour Marvel et DC entre autres, mais le débat existe, là aussi. Il ne faut pas se leurrer, une série qui ne vend pas est une série qui arrête d’être publiée et qui ne permettra pas à ses auteurs d’en tirer des revenus.

Et une série qui ne se précommande pas suffisamment sera souvent une série que l’on ne retrouvera pas en magasin. Et donc qui ne se vendra pas. Parce que rappelez vous, les pre-orders influencent le tirage d’un numéro.

Donc s’il s’avère que la série est excellente, tant mieux pour elle, et tant mieux pour ceux qui l’ont achetée. Mais tant pis pour les autres et pour les artistes. Il sera trop tard pour se la procurer, parce qu’il n’y aura pas matériellement de moyen de le faire. Les réimpressions existent pour ça, me direz vous. Oui, c’est vrai. Mais c’est plus compliqué qu’il n’y paraît, à cause du calendrier, principalement. Ce sera d’ailleurs le sujet d’un autre article de cette série.

Au moment où le #1 d’une nouvelle série arrive dans les comicshops, il est déjà temps pour votre retailer préféré de boucler ses pre-orders… pour le troisième épisode ! Compliqué d’inverser la tendance, donc. Bien entendu, ne lisez pas entre mes lignes un message de charité. Il ne s’agit évidemment pas de vous culpabiliser ou de vous dire qu’il faut précommander tous les #1 de toutes les nouvelles séries. Le message est simplement le suivant : si un projet nous intéresse, le meilleur moyen de le soutenir, c’est de le faire au moment des pre-orders.

En bref…

Vous l’avez compris maintenant, le système de pré-commandes est finalement assez simple. En septembre, vous réservez vos comics de novembre dans votre comicshop préféré ou en ligne. Simple, oui. Sauf que les catalogues listent plusieurs centaines de sorties chaque mois, et il est souvent difficile de s’y retrouver. Pour vous aider, vous pouvez vous appuyer sur des personnes formidables : vos retailers. Ils sauront vous accompagner et vous aiguiller, et vous parleront de leurs coups de cœur avec passion.

Et si vous n’avez pas de comicshop dans votre ville (si vous en avez un aussi, d’ailleurs), comptez sur moi ! À partir de septembre, je vous proposerai ma sélection des titres à surveiller parmi les catalogues de pre-orders mensuels. Il ne vous restera plus qu’à passer vos précommandes ! Et à choisir parmi une dizaine de variant covers toutes plus belles que les autres. Variant Covers ? C’est un autre terme, et un autre mode de lecture passionnant du marché des comics. On en parlera donc prochainement dans cette chronique. À très vite !


Comme s’il s’agissait d’une nouvelle série de comics, cette nouvelle série d’articles me tient particulièrement à cœur, n’hésitez pas à partager cet article au maximum à tous les néophytes autour de vous. Mais aussi aux connaisseurs, qui seront, je l’espère, intéressés de réfléchir autour des questions passionnantes que soulèvent ce simple mot que je vous ai présenté aujourd’hui. Mais surtout, j’ai besoin de vos retours sur cette chronique ! N’hésitez pas à me faire part de votre avis ici ou sur Instagram (@MatthieuDoves). N’hésitez pas non plus à prolonger la discussion en commentaires, je serai ravi d’échanger avec vous!