Richard Blake : « L’idée des dimensions parallèles suggère qu’il existe des mystères qui dépassent notre compréhension consciente. »

L’artiste américain, créateur de l’époustouflant Horizons Obliques, parle avec passion de la création de sa première bande dessinée !

For English speakers, please find lower the interview in its original version.


Influences

Horizons Obliques est votre première bande dessinée. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans ce projet ? Combien de temps avez-vous consacré au travail préparatoire ?

Richard Blake : Avant la bande dessinée, j’ai travaillé dans plusieurs domaines créatifs différents. J’ai étudié la peinture, avec l’intention de travailler comme artiste dans le système des galeries, et plus tard, je me suis tourné vers le cinéma, avec l’intention de devenir réalisateur. J’ai déménagé à New York et j’ai travaillé dans le story-board et le montage, mais le cinéma possède une force particulière et j’ai commencé à recevoir des demandes pour tourner des films. Même si j’aimais le cinéma, la nature hautement collaborative et la dépendance financière qu’il requiert se sont révélées frustrantes à bien des égards. Travailler seul en studio, comme je le faisais en peinture, me manquait, mais je voulais raconter des histoires et m’occuper de la structure narrative.

Enfant, j’aimais les bandes dessinées, mais je ne les avais pas regardées ni réfléchies depuis de nombreuses années. Un ami, voyant ma frustration à l’égard du cinéma, m’a suggéré de faire de la bande dessinée, et c’est ainsi que j’ai commencé à réfléchir à ce médium. Le véritable tournant a été la redécouverte de toutes les BD françaises que j’avais vues dans les pages de Heavy Metal lorsque j’étais adolescent… ce travail m’a vraiment rappelé l’incroyable potentiel de ce média.

J’ai passé plusieurs années à absorber des bandes dessinées, principalement des BD franco-belges, et à dessiner beaucoup avant d’envisager de me lancer dans la réalisation d’un livre complet. Après quelques histoires courtes, j’ai finalement senti que j’étais prêt à me lancer dans quelque chose de plus substantiel, et une fois que j’ai eu l’histoire de base d’Horizons Obliques en tête, j’ai commencé à y travailler sérieusement. Pourtant, il a fallu plusieurs années avant que je produise des pages que je jugeais suffisamment dignes d’être publiées. Après un certain temps, cependant, j’ai développé une approche qui me convenait et j’ai pu produire des pages assez régulièrement.

Dans la préface de l’édition française, vous exprimez votre amour pour la science-fiction. Comment est née cette fascination pour ce genre ?

Richard Blake : Je pense que c’est lié, comme pour la bande dessinée, aux possibilités incroyables qu’elle offre en termes de narration. Comme il n’y a pas nécessairement de contraintes logiques liées à la réalité, le genre peut devenir un réceptacle pour toutes les idées impossibles qui peuvent se présenter, en particulier lorsqu’il s’agit d’une dimension alternative. C’est un avantage, mais c’est aussi un inconvénient, car cela vous oblige à concevoir le monde à partir de zéro et à créer au moins une logique interne cohérente. C’est parfois accablant, mais quand tout commence à se mettre en place, il n’y a vraiment rien de tel. Cela dit, la science-fiction qui m’attire le plus est celle qui est plus subtile, celle d’auteurs comme Russell Hoban et Stanislav Lem. Ils ne conçoivent pas tant de nouveaux univers qu’ils ne modifient l’univers existant.

Vous évoquez notamment Les Cités Obscures de Schuiten et Peeters. Quelle place occupe cette œuvre dans votre cœur de lecteur, mais aussi dans votre art ?

Richard Blake : Si je devais dire un élément critique qui m’a le plus frappé dans ces œuvres en particulier, c’est qu’elles prennent l’idée de l’espace lui-même comme un personnage. D’un point de vue philosophique, je suis plus susceptible d’être ému par une figure dans un paysage que par un portrait, par exemple.

Le premier, en tant qu’image, suggère que nous, les humains, ne sommes pas l’élément central de l’univers, mais une petite partie d’un continuum et d’une force de la nature bien plus vastes. Non pas que nous soyons sans importance, mais si nous ne disparaissons pas complètement, nous deviendrons, je crois, une partie d’un jeu beaucoup plus grand de toute la structure cosmique et nous ne ressemblerons probablement pas du tout à notre moi actuel. C’est dans les œuvres de Schuiten et Peeters que j’ai vu pour la première fois cette idée explorée dans la bande dessinée de manière aussi approfondie. D’autres livres et histoires l’ont bien sûr abordée, mais pas de manière aussi exclusive et avec une telle complexité. On ne se contente pas de lire Les Cités Obscures, on vit avec ces livres et on y revient sans cesse pour en découvrir davantage.

Ils ont vraiment construit une autre réalité, et elle est toujours là, à vous attendre sur l’étagère. Je ne peux qu’espérer atteindre une fraction de ce niveau de travail. Mais c’est une force motrice et motivante, qui ne cesse de m’inspirer.

L’histoire

Horizons Obliques traite des dimensions parallèles. Qu’est-ce qui vous fascine dans ce thème ?

Richard Blake : Je trouve l’idée des dimensions parallèles très belle, car elle suggère qu’il existe des mystères qui dépassent notre compréhension consciente. Le monde tel que nous le connaissons est peut-être petit, mais il est passionnant d’envisager des mondes au-delà de notre réalité connue, qui respirent juste sous la surface, et non quelque part dans l’immensité de l’espace. Peut-être n’y aura-t-il pas besoin de technologies de pointe ou de carburant pour fusée pour que ces mondes se révèlent, mais d’un simple changement de perception. Cela dit, il se peut que nous ayons besoin de construire une passerelle multidimensionnelle élaborée, car c’est probablement la seule voie qui ait un sens pour nous, même si elle n’est pas nécessaire. C’est certainement le cas des personnages d’Horizons Obliques. Il s’agit d’une société basée sur la technologie, et c’est la collaboration avec cette technologie qui leur permet d’atteindre l’au-delà.

Comment avez-vous construit votre histoire ? En commençant par l’idée principale ? Avec les concepts ? Les personnages ?

Richard Blake : Pour moi, tout commence toujours par des images. Parfois, je commence par une sorte de titre, qui provoque des images à partir desquelles je construis une histoire. Souvent, cela coïncide aussi avec quelque chose que je lis ou à quoi je pense à ce moment-là, et cela alimente aussi l’histoire d’une manière ou d’une autre. J’écoute quelque chose et je me dis « c’est ça… ça devrait ressembler à ce morceau de musique ». Pas dans le sens d’une bande-son, mais plutôt comme un morceau de musique qui change la température d’un espace. Je veux que mes livres fonctionnent de cette manière… comme de la musique. Quelque chose que l’on peut avoir à portée de main pour créer une ambiance spécifique. Bien sûr, il y a une histoire très complexe, mais vous pouvez aussi feuilleter le livre pour évoquer un sentiment de quelque chose… d’un certain endroit. Je ne sais pas si j’y suis parvenu, mais c’est en tout cas quelque chose que j’essaie de faire.

La dimension psychologique des personnages, qu’il s’agisse d’humains ou d’intelligences artificielles, est très bien développée. Est-ce un domaine sur lequel vous avez passé beaucoup de temps à travailler ? Est-ce que c’est quelque chose sur lequel vous aimez beaucoup réfléchir ?

Richard Blake : Il est vrai qu’à l’époque où je développais l’histoire, je lisais beaucoup sur la nature de la conscience, en particulier sur les effets des drogues psychédéliques sur l’esprit et la perception. Je suppose que, d’une certaine manière, cela a dû influencer les motivations et les états psychologiques des personnages, ainsi que leur réaction à cette réalité nouvelle et unique dans laquelle ils se sont retrouvés. Mais, pour l’essentiel, je pense que je réponds simplement aux mécaniques inhérentes à l’histoire. À un moment donné, les personnages prennent une vie propre et il y a une sorte de réponse naturelle à la progression des événements.

J’ai également vu dans l’histoire d’Horizons Obliques une sorte de fascination pour le besoin humain d’imaginer, de créer et d’explorer. Il y a un peu de cela ?

Richard Blake : Je m’intéresse vraiment au désir d’aventure de l’être humain. Il y a une sorte de curiosité insatiable au cœur de chaque personnage, qu’il soit humain ou artificiel ; une volonté de se jeter dans les profondeurs de l’inconnu afin de voir et de découvrir quelque chose de nouveau.
Il y a évidemment un danger à cela, mais cela fait partie de l’aventure et de la récompense. La beauté de la chose réside dans le fait qu’il n’y a pas de découverte ultime au sens final du terme… les portes ne font que mener à d’autres portes et les mystères s’effilochent en des énigmes plus denses. Le véritable conflit au cœur de l’histoire est la réconciliation des personnages avec l’immensité de l’inconnu.

Il n’y a pas ici de méchants ou de héros traditionnels, et si vous cherchez cela, vous risquez d’être déçu. En revanche, si vous êtes prêt, comme les personnages, à laisser l’histoire et les idées vous envahir comme un morceau de musique, vous y trouverez peut-être quelque chose d’intéressant.

Le processus de création

Bien qu’Horizons Obliques soit votre première bande dessinée, vous maîtrisez parfaitement les codes de ce médium. Comment avez-vous appris ? Par vos lectures ? Par une réflexion à long terme ?

Richard Blake : Merci pour ces mots sympathiques ! J’ai encore beaucoup à apprendre, mais si j’ai atteint un certain niveau de compétence avec le médium, je ne peux pas dire exactement d’où cela vient. Je n’ai jamais étudié ce médium dans le cadre d’un cours ou d’un livre, et pendant 10 à 15 ans, je n’ai pratiquement pas regardé, et encore moins lu, de bandes dessinées. Je pense que la combinaison de mes études de peinture et de mon travail dans le cinéma – et tout ce qui en découle en termes de narration par l’image – m’a guidé lorsque j’ai finalement décidé de commencer à faire de l’art séquentiel. Il y avait donc une sorte d’éducation indirecte en jeu, ce qui était peut-être une bonne chose car on ne m’a jamais dit ce que je n’étais pas  » censé  » faire. Il y a encore beaucoup de choses que je veux essayer et explorer avec le médium, et j’aimerais devenir plus habile avec l’écriture réelle… quoi que cela puisse signifier.

Vous travaillez beaucoup votre mise en page. Comment concevez-vous une page ? Avez-vous tout planifié avant de commencer à dessiner ou faites-vous des ajustements au fur et à mesure ?

Richard Blake : Comme la plupart des artistes, je commence par des vignettes. Les choses changent en cours de route, mais pas beaucoup. Il y a un groupe de pages dans ce livre que j’ai édité quatre ou cinq fois, parfois en redessinant des pages entières à partir de zéro après avoir pensé les avoir terminées… parfois des mois plus tard. Il n’était pas rare que je revienne sur une page, que j’aie une idée de la façon dont elle pourrait être améliorée et qu’au lieu de la laisser de côté, j’aille de l’avant et que je la refasse entièrement !
Cela dit, je l’ai fait de moins en moins au fur et à mesure que j’avançais dans le livre. J’ai simplement accepté qu’il y a des choses dont je ne serai jamais satisfait et je suis sûr que je regarderai des pages que j’admire aujourd’hui et que je trouverai insuffisantes lorsque j’y repenserai dans plusieurs années. Je vois aussi la beauté des  » défauts  » tels qu’ils sont. Il y a de la vie et du caractère dans l’imperfection – dans le dessin comme dans la vie réelle. Sur certaines cases, on fait mouche, mais la plupart du temps, on ne peut qu’espérer être suffisamment compétent pour ne pas être complètement dérangeant. Mais, encore une fois, il est inévitable que cela se produise de temps en temps. C’est la vie.

J’ai été impressionné par votre maîtrise du rythme, des ellipses et des moments contemplatifs. Comment avez-vous travaillé ces domaines ?

Richard Blake : En grande partie par intuition… Encore une fois, je ne connais pratiquement rien à la composition musicale, mais je me suis considéré comme un chef d’orchestre d’images lorsqu’il s’agissait du rythme séquentiel. Je sentais que les choses devaient vraiment ralentir ici et accélérer là, mais l’emplacement de ces temps forts était souvent un processus intuitif. En fait, avec le recul, j’ai souvent adopté l’approche inverse dans certains cas. Par exemple, le transport de Staden sur la Passerelle n’aurait dû prendre que quelques pages, mais je l’ai étendu à un chapitre entier. Je voulais que l’on ait le sentiment qu’un processus réel était à l’œuvre dans ce monde, et lui donner une certaine forme de vraisemblance précise. Mais j’aime le processus en général. Un film comme Thief de Michael Mann en est un exemple… ces longues scènes complexes de crochetage de serrures et de destruction de coffres-forts… j’adore ce genre de choses. Il s’agit de trouver la beauté dans le  » banal  » ou de ralentir ce qui est censé être des scènes d’action très dynamiques.

Vos dessins témoignent de l’influence des dessinateurs de bandes dessinées européens. Est-ce bien le cas ? Quels sont les auteurs qui vous ont influencé ?

Richard Blake : Outre Schuiten, il y a des auteurs évidents comme Moebius et Bilal. Mais plus récemment, j’ai beaucoup aimé le travail d’artistes comme Alex Alice, Vincent Mallie, Mathieu Lauffray, Claire Wendling, Jean Gibrat, Didier Cassegrain, Cosey…pour n’en citer que quelques-uns. Il est vrai que je me tourne davantage vers la BD française que vers la BD américaine, mais cela a toujours été le cas, même lorsque j’ai découvert la BD dans mon enfance. Mais il n’y a pas que la BD française, j’aime la culture française en général. J’étudie la langue depuis plusieurs années maintenant, j’aime la passion des Français pour le cinéma, et bien sûr la nourriture. Lorsque j’ai visité la France, je n’ai jamais voulu en repartir et je m’imagine bien y résider partiellement un jour. Qui sait… peut-être suis-je né dans le mauvais pays.

Votre travail sur la couleur est remarquable. Vous créez toute une gamme d’ambiances qui immergent le lecteur. Avez-vous beaucoup travaillé sur ce point pour Horizons Obliques ?

Richard Blake : C’est certainement quelque chose que je prends très au sérieux et auquel j’accorde une attention considérable. Je savais que je voulais créer une palette très naturelle avec une esthétique d’aquarelle très naturelle. J’ai essayé d’utiliser la méthode de la ligne grise, qui consiste à peindre directement sur du papier aquarelle et à fusionner la couleur avec la ligne en post-production, mais cette méthode s’est avérée trop fastidieuse pour le temps dont je disposais. Heureusement, il existe aujourd’hui une multitude de pinceaux numériques pour l’aquarelle, ce qui m’a facilité la tâche. Certaines scènes ont été conçues avec une palette et une source de lumière naturelles, tandis que d’autres, comme la Passerelle, ont une lumière et un ton plus artificiels. Et bien sûr, tout dépendait de l’ambiance et de la température émotionnelle de certaines scènes.

Les passages de la Passerelle sont fascinants. Comment avez-vous procédé pour les créer ?

Richard Blake : Ce fut une tâche difficile, comme le serait la conception de n’importe quelle dimension alternative. En fin de compte, j’ai opté pour l’idée d' »îles mémorielles » comme base principale. La réalité matérielle de la dimension serait constituée de fragments de vieux souvenirs, et donc d’une architecture et d’une machinerie anciennes. Comme les esprits qui les ont créées, elles changent et parfois disparaissent complètement, ou fusionnent avec d’autres îles pour former des espaces de mémoire hybrides. Cela donne un monde qui ressemble à une sorte de collage architectural… où les bâtiments s’écrasent les uns contre les autres en vagues lentes, formant des environnements incohérents et étranges.

Vous avez une passion pour les vieilles voitures Citroën ?

Richard Blake : Oui, c’est une passion ! C’est un design français tellement classique et je pense que cela renvoie à mon amour de la culture. C’est pourquoi je ne l’ai pas beaucoup modifié dans le livre… elle est modifié mais plus ou moins intact dans son état classique.

Projets et lectures

Avez-vous l’intention de créer d’autres histoires dans le même univers ?

Richard Blake : Absolument. L’idée est de faire deux autres livres avec cette histoire particulière, pour former une trilogie et un arc plus complet pour les personnages. Ensuite, il y a un autre projet que j’ai déjà commencé et qui est centré sur le personnage de Martin Dutois et ses diverses aventures. Il s’agit d’un livre beaucoup plus expérimental, qui prend des tangentes formelles et visuelles étranges et qui, en général, est un endroit où je peux jouer avec des structures plus poétiques et explorer des idées de conception que je ne pourrais explorer nulle part ailleurs. Il y aura également un aspect artistique, avec des peintures et des dessins indépendants. Je commencerai bientôt à publier tout cela sur les réseaux sociaux et sur un site web, et nous verrons bien où cela nous mènera.

Quels sont vos prochains projets de bande dessinée ?

Richard Blake : Avant de revenir à Horizons Obliques proprement dit, il y a un autre projet auquel j’aimerais vraiment m’attaquer. En fait, il s’agit d’une histoire à laquelle j’avais pensé avant Horizons Obliques, mais qui ne me semblait pas prête à être dessinée à l’époque. Elle est plus que prête maintenant et j’ai hâte de la commencer. Je ne peux pas en dire beaucoup plus, si ce n’est qu’il s’agit également de science-fiction et que l’histoire se déroule à New York en 1962, quelques semaines avant la crise des missiles de Cuba.

Quelles bandes dessinées lisez-vous en ce moment ? Des coups de cœur ?

Richard Blake : Je me replonge actuellement dans les livres écrits et dessinés par Cosey, en particulier la série Jonathan qui est magnifique, mais je lis aussi les livres de Théodore Poussin de Frank le Gall. C’est largement suffisant pour m’occuper pendant quelques mois !

Entretien réalisé par échange de mails. Merci à Richard Blake pour sa disponibilité et sa grande gentillesse !


The American artist, creator of the breathtaking Hexagon Bridge, talks passionately about the creation of his first comic book!

Influences

Hexagon Bridge is your first comic book. What made you want to embark on this project? How much time did you spend on the preparatory work?

Richard Blake : Before comics, I’d been working in several different creative fields. I studied painting, with the intention of working as a fine artist in the gallery system, and later I went into film, primarily wanting to be a director. I moved to NYC and did some work as a storyboard artist and editing, but cinematography proved to be a particular strength, and I was beginning to get requests to shoot films. As much as I loved cinema, the highly collaborative nature and financial dependency film requires, proved to be frustrating on many levels. I missed working alone in the studio, as I did when I was painting, but I wanted to tell stories and deal with narrative structure.

I’d been into comics as a kid, but hadn’t looked or thought about them in many many years. A friend of mine, seeing my frustration with film suggested – “ever thought about making comics?” and so I began to consider the medium. The real turning point was re- discovering all the French BD I had seen in the pages of Heavy Metal as a teenager…that work really reminded me of the incredible potential of the medium.

I spent several years just absorbing comics, mostly BD, and drawing a lot before I even considered embarking on a full book. After doing a few short stories I finally felt I was ready to take on something more substantial, and once I had the basic story of Hexagon Bridge in mind, I began to work on that seriously. Still, it took some years before I produced pages I felt were worthy enough to be published. After a certain point, though, I developed approach that I felt suited me and was able to produce pages fairly consistently.

In the preface to the French edition, you express your love of science fiction. How did this fascination for this type of story come about?

Richard Blake : I think it has to do with, much like the medium of comics, the incredible possibilities it offers in terms of narrative. As you don’t have to necessarily deal with the logical constraints of reality, the genre can become a vessel for any impossible idea that might present itself, particularly when you are dealing with something like an alternate dimension. That’s it’s advantage, but it’s also simultaneously it’s curse, because it leaves you with the task of having to design the world from the ground up, and creating at least some coherent internal logic. It can be overwhelming at times, but when it all begins to come together there’s really nothing like it. That said, the Science Fiction I gravitate towards to the most is the more subtle sort, writers like Russell Hoban and Stanislav lem. They don’t so much as design new universes, as much as they alter the existing one.

You mention in particular Les Cités obscures by Schuiten and Peeters. What place does this work hold in your heart as a reader, but also in your art?

Richard Blake : If I had to say one critical element that struck me the most about those works in particular, was that they take the idea of space itself as a character. Just from a philosophical point of view I’m more likely to be moved by a figure in a landscape than I am in say, a portrait.

The former, as an image, suggests that we as humans are not the central element of the universe but a rather small part of a much larger continuum and force of nature. Not that we are unimportant, but if we don’t vanish completely, we will, I believe, become part of a much greater play of the entire cosmic structure and probably resemble nothing like our current selves. The works of Schuiten and Peeters were the first time I really saw that idea explored in comics to the extent that they have. Other books and stories have of course dealt with it, but not so exclusively and with such intricacy. You don’t just read Les Cities Obscures, you live with those books and return to them again and again to discover more. They really did build another reality, and it’s always there waiting for you on the shelf. I can only hope to achieve a fraction of that level of work. But it’s a driving, motivational force, and never ceases to inspire me.

The story

Hexagon Bridge is about parallel dimensions. What fascinates you about this theme?

Richard Blake : I find the idea of parallel dimensions to quite beautiful as it suggests there are mysteries beyond our conscious understanding. The world as we know it may be small, but it’s exciting to contemplate worlds beyond our known reality that breathe just below the surface, not somewhere out there in the vastness of space. Perhaps it won’t take highly advanced technology or rocket fuel for these worlds to reveal themselves, but a simple shift in perception. That said, we may need construct some elaborate multi-dimensional gateway as it’s most likely the only path that makes sense to us, even if it’s not necessary. That is certainly the case for the characters in Hexagon Bridge. It’s as much a tech based society as any, and it’s the collaboration with that tech that enables them to reach into the beyond.

How did you construct your story? Starting with the main idea? With the concepts? The characters?

Richard Blake : It always begins for me with images. Sometimes I start with a title of some sort, and that provokes images from which I build a story. Often this also coincides with something I happen to reading or thinking about at the time, and this also feeds into the story in some way or another. The other thing is mood..it’s just as important to me what the story feels like as much as what it’s about and often a mood is inspired by listening to music…i’ll listen to something and think..”that’s it…it should feel like this piece of music” Not in a soundtrack-y sort of way, but more like – how a piece of music changes the temperature of a space. I want my books to function in that way…like music. Something you can kind of just have around just to create a specific mood. Sure, theres a very intricate story there, but you can just sort of flip through the book as well to conjure up a sense of something.. of a certain place. I don’t know if I achieved that, but it’s certainly something I try to do.

The psychological dimension of the characters, whether human or Artificial Intelligences, is very well worked out. Is this an area you’ve spent a lot of time working on? Is it something you like to think about a lot?

Richard Blake : It’s true that at the time of developing the story I was reading a lot about the nature of consciousness, particularly as it pertains to the affects of psychedelic drugs on the mind and perception. I suppose, in some way, this must have informed the motivations and psychological states of the characters and their response to this new, unique reality they have found themselves in. But, for the most part, I think I am just responding to the inherent mechanics of the story. At some point the characters do take on a life of their own and there is a kind of natural response to the progression of events.

I also saw in the story of Hexagon Bridge a kind of fascination with the human urge to imagine, create and explore. There’s a bit of that?

Richard Blake : I am definitely interested in the human desire for adventure. There is a kind of insatiable curiosity at the core of each character, both human and artificial ; a willingness to throw oneself into the deep end of the unknown in order to see and discover something new.

There is, obviously danger in that, but that is part of the adventure and the reward. The beauty is that there is no ultimate discovery in any final sense…doors only lead to more doors and mysteries unravel into more dense riddles. The real conflict at the core of the story is the reconciliation the characters must face with the vastness of the unknown.

There are no traditional villains or heroes here, and if you are searching for that you are likely to be disappointed. However, if you are willing – like the characters, to let the story and ideas simply wash over you like a piece of music, then you may find something of value.

The creative process

Although Hexagon Bridge is your first comic-book, you’ve mastered the codes of the medium perfectly. How did you go about learning? Through your reading? Long-term thinking?

Richard Blake : Thank you for those kind words! I I still have a great deal to learn, but if I have achieved any level of competency with the medium I can’t exactly say where that may have come from. I never studied the medium in the form of a class or books, and I there was a good 10-15 years where I hardly looked at, let alone read comics. I suspect the combination of studying painting and working in film – and all that came with that in terms of storytelling in images, informed me when I finally decided to began making sequential art. So there was a kind of indirect education at play, which perhaps was good as I was never told what I wasn’t « supposed » to do. There are still a lot of things I want to try and explore with the medium, and I’d like to get more adept with the actual writing…whatever that may mean.

You put a lot of work into your layout. How do you design a page? Did you plan everything before you started drawing, or do you make adjustments as you go along?

Richard Blake : I start, as most artists do, with thumbnails. Things change along the way..but not very much. There was a group of pages in this book that I edited four or five times, sometimes re-drawing whole pages from scratch after thinking I’d completed them…sometimes months later. It wasn’t rare that I would look back on a page, have an idea of how it could be better and than rather than leaving it alone, I’d go ahead and redo the whole thing ! That said, I did that less and less as I progressed through the book. I’ve simply accepted that there are things I am going to never be satisfied with and I am sure I will look pages that I admire today that I will find lacking when I look back again years from now. I also see the beauty in « flaws » such as they are. There is life and character in imperfection – in drawing and in real life. Some panels you really hit the mark, but most of time you can only hope to be competent enough to not be completely distracting. But, again, it’s inevitable that this will happen from time to time. C’est la vie.

I was impressed by your mastery of rhythm, ellipses and contemplative moments. How did you work on these areas?

Richard Blake : Largely intuition..again, I know next to nothing about musical composition, but I did think of myself as a conductor of images when it came to sequential rhythm. I would feel that things really need to slow down here and speed up there, but where those beats were placed was an often an intuitive process.In fact, looking back, I would often take the reverse approach in some cases. For example, Staden’s transport into The Bridge should have only taken a few pages, but I extended to entire chapter. I wanted there to be a sense that there was a real process at work within that world, and give it a certain kind of precise verisimilitude. But I love process, in general. A film like Micheal Mann’s Thief is an example of that.. those lengthy intricate scenes of lock picking and burning through vaults..I love that stuff. It’s finding the beauty in the « banal » or slowing down what are supposed to be highly kinetic “action” scenes.

Your drawings show the influence of European comic artists. Am I wrong? Which authors have influenced you?

Richard Blake : Aside from Schuiten, there are the obvious ones like Moebius and Bilal. But more recently I have been loving the work of artists like Alex Alice, Vincent Mallie, Mathieu Lauffray, Claire Wendling, Jean Gibrat, Didier Cassegrain, and Cosey..just to name a few. It’s certainly true that I look mostly to French BD more than American comics..but this has always been the case, even when I first discovered comics as a child. But It’s not just French BD, I love French culture in general. I’ve been studying the language for several years now, I love the French passion for cinema, and of course the food. When I have visited France, I never want to leave and I can imagine having partial residence there someday. Who knows..maybe I was born in the wrong country.

I think your work on color is remarkable. You set up a whole range of moods that immerse the reader. Is that something you worked on a lot in Hexagon Bridge?

Richard Blake : It’s certainly something I take very seriously and place a considerable amount of attention on. I knew I wanted to create a very natural palette with a very natural watercolor aesthetic. I actually tried using the grey line method of painting directly on watercolor paper and merging the color with line in post, but this method proved to be too time consuming for the time I had. Luckily there are now a host of digital watercolor brushes readily available that made the task easier. As for the color itself, I thought of it very much the same way that I considered the pacing..certain scenes were designed with a natural palette and light source while others, such as The Bridge, have a more artificial light and tone. And of course, it was all about the mood and emotional temperature of some scenes.

The passages in the Bridge are fascinating. How did you go about creating them?

Richard Blake : That was a tough task, as designing any alternate dimension would be. Ultimately I decided on this idea of “memory islands” as the driving foundation. That the material reality of the dimension would be made up of fragments of old memories, and therefore old architecture and machinery.These “islands“ are not static, though. Like the minds from which they were created, they change and sometimes fade away altogether, or merge with other islands and form hybrid memory spaces.This makes for a world that resembles a kind of architectural collage…where buildings crash into one another in slow waves, forming incoherent, strange environments.

Do you have a passion for old Citroën cars?

Richard Blake : I do! It’s such a classically French design and I think it just goes back to my love of the culture. That’s why I really didn’t alter it very much in the book..it’s modified but more or less intact in it’s classical state.

Projects and reading

Do you plan to create other stories in the same universe?

Richard Blake : Oh definitely. The idea is to make another two books with this particular story, forming a trilogy and a more complete arc for the characters. Then there is another project that I have already begun that centers around the Martin Dutois character and his various adventures. This is a much more experimental book, going off in odd formal and visual tangents and, in general, be a place where I can play with more poetic structures and explore design ideas I could not explore anywhere else. There will also be a fine art aspect to it, with stand alone paintings and drawings. I’ll start putting that out on social media and a website soon and we’ll see where it all goes.

What are your upcoming comic book projects?

Richard Blake : Before going back to Hexagon Bridge proper, there is another project that I really want to tackle. In fact it’s a story that I had thought of before Hexagon, but I felt wasn’t ready to be drawn at the time. It’s more than ready now and I’m eager to start it. I can’t say much about it, other than that it’s also Science Fiction and takes place in 1962 New York, several weeks before The Cuban Missile Crisis.

What comics are you currently reading? Any favorites?

Richard Blake : I’m currently diving back into the books written and drawn by Cosey, in particular the Jonathan series which are wonderful, but I am also reading the Theodore Poussin books by Frank le Gall. That’s more than enough to keep me occupied for a few months!

Interview made by email exchange. Thanks to Richard Blake for his availability and his great kindness.