Un prix Eisner, un auteur étranger des comicbooks puis un artiste authentique, et surtout le Roi de Minuit ! Le magma bouillonne. Mais, un prix Eisner n’est pas une certification, un auteur étranger des comicbooks perle sa maladresse. Hawkeye, Vision, Immortal Hulk, des titres à la marge, des séries qui embaument, un arôme d’émancipation. Black Bolt est de celles-ci. Flèche Noire – Le Roi emprisonné goûte l’amertume, celle de la déception.
Flêche Noire est captif, prostré, muselé. Son frère est forcément en cause. Mais ne sera pas jugé ensuite. La série est pour le Roi de Minuit et ses partenaires de chemin. L’inexpérience de Saladin peut disculper le brouillon raconté : le principe de déconstruction / reconstruction d’un personnage. Flêche Noire n’a plus rien, et perd encore plus. Jusqu’à sa tessiture. Pour très peu de temps, quelques pages. Tout revient dans l’ordre à la toute fin. La frilosité d’asseoir tout au long d’une année, d’une période, est réduite à néant, comme les montagnes. Vampirisé par les invocations d’une gestion qui n’implique plus, l’auteur tourne, oscillant, entre deux positions stables. Le procès est le même pour Crusher Creel. L’Homme déborde à la moitié, le Géolier est vaincu, Creel se désagrège dans la matière, gorgé d’acoustique. Mais non. Everything Dies ? Plus tellement. The Dead don’t die. Creel s’agglomère en un Big Bang tumulaire. Titania est bien heureuse. Saladin Ahmed ne transcende pas. De plus, son récit flanche sous des pensées omniscientes fastidieuses. Black Bolt n’est pas Hawkeye. Mais.
Étonnamment, Saladin se débrouille sur un autre damier. Un terrain de jeu inconsidéré. La Continuité. Black Bolt est inconséquent. Black Bolt s’est tu, mais est héréditaire. Saladin Ahmed a lu des Inhumains par Charles Soule, par Madureira, unanimement, Saladin Ahmed emboîte ses 12 numéros entre un avant que nous avons fréquenté, et un après à découvrir. Surtout que l’auteur discipliné triomphe par moment, sur une scène, fréquemment. 12 numéros qui savent s’inscrire en instants crins. Black Bolt est un Eisner par détails. Puis, l’essentiel cette fois-ci, Christian Ward, de l’école Mike Del Mundo, délirante. L’artiste sublime, lui, les veuleries des mots. Ward est le prolongement d’un Pop Art de notre temps, talentueux, imaginatif et avec cette explosion de la narration par cases.
Saladin perd des lignes à écrire, écrire, puis écrire. Le récit est scindé, et succombe aux vices des maladresses à la page. Le Roi est de retour, mais se résigne à l’impuissance puis son silence providentiel, l’émoussé principe de construction-déconstruction-reconstruction ; Creel est homologue mais s’accapare, lui, les défaillances du trépas inconséquent propre à ce média ; tout en 12 numéros. Enjoy the silence était une maxime à prendre au sérieux.