L’on nous susurre que la suite de Seven to Eternity était sortie et que nous n’avions pas entendu la proposition de Rick Remender. La première, le premier volume, avait enchanté l’artiste, seulement lui. La série est bien cet exode dans la féerie à la flûte et moderne du créateur Remender, et surtout de Jerome Opena. Il faut bien le reconnaître, Seven to Eternity est une fantaisie déployée. Mais le charme artistique s’effaçait sous les démangeaisons d’un auteur ronronnant, et qui se répète.
La trame narrative, celle qui avance, qui entraîne, est meilleure. Il ne s’agit plus de se confronter au vilain despote, mais de le conduire face au juge Torgga. L’auteur délaisse les sentiers balisés à l’excès du premier volume pour un développement plus personnel des personnages. Ils ne se définissent plus par leur fonction, mais en tant qu’individu. Tous les personnages seront chamboulés, comme sait le faire Rick Remender. Les décisions et les actes signifient vraiment des choses et des voies à prendre. La série n’est pas avare en péripéties, rebondissements et sait se garder des cartes dans la manche. Ces silences intentionnels, qu’ils brouillent les personnages ou le Monde ne font que densifier des socles, cette envie de tout savoir et de tout explorer. Zhal et ses mystères sont les forces de la série. Bien que l’apparente excentricité visuelle ne soit parfois qu’une pigmentation de notre faune terrestre, ou un anthropomorphisme des peuplades. Les deux bâtisseurs ont ce sens fécond du détail. Certains lieux (le Marais et ce qu’il engendre), personnages (Mallozam et Jevalia, ou Adam), concepts (Le Puits et les épées nommées) ou même mots (ceux de Garils) attestent d’une valeur qu’il faut considérer.
Seulement, 3 points, à mon sens nuisibles, abîment tout. Le premier, celui du changement d’artiste sur la moitié du volume. Opena laisse sa place à James Harren (Rumble) qui trahit presque l’empreinte unique du philippin. La rupture franche dessert totalement la série. Scission graphique en réponse à une dispersion narrative gênante. Les personnages vont faire un choix et changer de cap, une astuce pour calmer la course d’Adam. Malheureusement, ce sursis pour eux, ne nous est pas accordé. Ils s’envasent dans un entrelacs familial, et des intrigues inappropriées. L’auteur retrouve une étincelle dans le dernier numéro, le même qui voit le retour d’Opena, étrange coincidence. Enfin, Rick Remender s’impose des personnages secondaires, tellement secondaires qu’il les limoge immédiatement, en leur accordant à peine un nom, ou quelques lignes (à moins d’y voir une allocution de l’auteur sur les villes et l’industrie pour Sibile).
Ce n’est pas une perle, l’un de ces bijoux indépendants. Seven to Eternity est trop irrégulière, sous toutes les perspectives. C’est bien le fusain que l’on fustige cette fois, après un premier tome conforme (donc décevant). Les folies graphiques se décolorent devant les navettes des artistes et celles des personnages désuets. Mais, Seven to Eternity c’est une série où l’on peut lire les noms de Rick Remender et Jerome Opena sur la couverture, s’en priver serait peut être une erreur. A vous de voir.