[Review VF] S.H.I.E.L.D : Les architectes de l’éternité

Philisophe
Jonathan Hickman
Architectes
Dustin Weaver, Nick Pitarra, Zachary Baldus, Kevin Mellon, Gabriel Hernandez Walta
Prix
32€
La note de ComicStories
9

Juin 2010, 10 mois plus tard, Avril 2011, 6 numéros d’une tentative d’unification fondamentale, S.H.I.E.L.D se théorise en une Grande Histoire, cachée, l’histoire inconnue. Puis, un interlude subsidiaire s’intègre à ce que nous pensions être une double série. Enfin, 4 numéros supplémentaires de S.H.I.E.L.D et l’algèbre d’Hickman s’entortille. Nous sommes en février 2012. La suite, S.H.I.E.L.D #5-6 ne paraîtra que bien plus tard, juillet et août 2018. Entre temps, Avengers, New Avengers, Infinity, Secret Wars, les trois prodiges accaparent les pensées vagabondes de l’auteur, préférant ensuite l’Est et l’Ouest, le projet Manhattan tous écrits un Sombre Lundi Meurtrier. Le calvaire prend fin pour nous aussi en France, S.H.I.E.L.D est complet, un volume Deluxe faisant glisser la précédente parution souple dans les rayons d’occasion. 

6 ans à attendre, la pertinence de publication, ce travail d’archive, de complétion, pourtant, à la différence de Spider-Men II, S.H.I.E.L.D ne souffre pas de l’ellipse. Les circonvolutions, les diagrammes, les concepts à Majuscules, les discours évocateurs évidés révolteront toujours les lecteurs abhorrant Jonathan Hickman. Ses Avengers, ses Fantastic Four pouvaient s’attribuer à des costumes connus, avec S.H.I.E.L.D l’auteur délaisse les causes usuelles. Les détracteurs de l’auteur rejetteront totalement la série. 

Avec S.H.I.E.L.D, Hickman ose la tentative du Discours de la Méthode, du Traité du triangle arithmétique, du Mouvement des corps sur Orbite. Présomptueux, indéniablement, audacieux tout autant. Le B.O.U.C.L.I.E.R est un symposium du Destin, formé sous l’ombre des pyramides, traversant les siècles, sous terrain, mais réunissant les penseurs, les philosophes, les scientifiques en un cénacle global, manipulant les Concepts pour orienter le monde et le sauvegarder. Les maîtres se relaient, Galilée, puis Isaac Newton. Le fondateur des lois du mouvement accède à l’illumination chez les Deviants, desquels il tire la Clairvoyance Pentagonale, réponse définitive à Tout en 5 valeurs universelles. Newton est le frère qui devient maître. La déviance du système pousse Léonard de Vinci, membre lumineux du B.O.U.C.L.E.R à confronter la mécanique de Newton, s’érigeant alors en incarnation du libre arbitre. S.H.I.E.L.D est une histoire de considération morale sur le choix laissé à l’Homme. L’histoire de S.H.I.E.L.D n’est pas ardue mais elle s’enroule en plusieurs dimensions, autour d’idées, de personnages, et se dégage totalement de l’héritage de l’éditeur, même si Stark, Richards, Galactus sont des signatures reconnaissables. Qui sont alors Léonid, La Machine Nocture, Nostradamus, l’Enfant des Etoiles, les Trois Frères de la Causalité ou l’Homme Éternel ? Et que sont La Machine Humaine ? Les Calculs paisibles ou l’Homme de Vitruve ? Toutes ces évocations enivrent, énervent mais recèlent un récit unique. Je ne m’étends pas, S.H.I.E.L.D nécessite plusieurs lignes explicatives dédiées. Tout s’imbrique dans un labyrinthe dont le lecteur trouve la sortie, pas d’inquiétude. La saveur du déclic, l’ampoule qui s’allume, sont autant de métaphores pour une simple chose : S.H.I.E.L.D s’apprécie comme une démonstration, lorsque le détail est compris et les doigts claquent d’évidence. Une histoire qui évolue, une histoire unifiée. 

L’écriture de Jonathan Hickman se dote de strates, de couches, qu’il rajoute pour gonfler sa discipline. Son histoire est sincère et intelligible, mais il y accroche un agrégat de règles, de voyages et de principes illimités. Le temps, la gravité, l’espace, la matière, Hickman en manie les règles, en mélange les règles dans deux chapitres, 10 et 11, dans l’élégance physique absolue et l’écriture ubiquiste. Jonathan est ambitieux avec sa mini-série. Celle-ci accède à de nouvelles résonances rattachée aux Secret Warriors et aux Fantastic Four, du même auteur. Elle s’associent toutes. Il y a une sphère d’Hickman parfaite chez Marvel Comics, l’auteur a ses vérités. Son Héritage est d’ailleurs déserté, jugé trop complexe ou trop personnel. Récemment Nick Spencer affrontait frontalement les diagrammes, Isaac Newton et Kraken sont dans l’événement Secret Empire. Ils apparaissent. L’imperméabilité d’Hickman est sa seule contradiction. Puis, S.H.I.E.L.D ramène Dustin Weaver pour la vérité finale. L’interlude est assuré par une assemblée d’artistes talentueux qui n’égalent pas la minutie de l’américain. L’artiste est rare, son talent est renversant. S.H.I.E.L.D a la couleur d’un Codex perdu, d’un Artis Universalis étourdissant de détails, de textures, de réflexion et de lisibilité. S.H.I.E.L.D est une réussite artistique. 

Isaac Newton est le fondateur de la mécanique classique, Jonathan Hickman est l’architecte d’une mécanique classieuse. L’auteur s’autorise tous les lemmes, les abstractions et principes dans une histoire à flux. La science et la philosophie peuvent s’unir en une épistémologie mensuelle erratique (Avril 2011, Août 2018), magnifique, fantastique. Vous n’avez jamais lu un comicbook comme celui-ci, vous n’en lirez sans doute jamais plus chez Marvel Comics. Jonathan Hickman rebute sans conteste, réussit avec prestesse l’unification fondamentale, l’idée d’une audace accessible. Vous pensez, donc lisez. 

9
EURÊKA
On aime
Audacieux
Epistémologie et Marvel
Inédit et Unique
Edition complète
On aime moins
La colorisation blafarde
Absence partielle de Dustin Weaver
Abrupt et savant, parfois
La figure d'Hickman