Avant de commencer la review en question, il me semble pertinent de revenir sur deux points clés qui gravitent autour de cette nouvelle série. Premièrement, le personnage même de Black Widow que j’ai pu suivre dans des team-series ou en duo avec certains héros, Daredevil en tête. J’avais lu sa dernière série menée par Nathan Edmondson au script avec Phil Noto aux dessins. Vous vous en doutez, la série était splendide graphiquement mais le scénario s’effilochait au cours des tomes, pour se terminer dans un 3ème volume foncièrement mauvais. Cette nouvelle version n’a rien à voir avec la précédente, mais je l’avais en tête avant d’ouvrir les premières pages. Et c’est le deuxième point évoqué précédemment qui entre en compte maintenant, l’équipe artistique : le duo Waid/Samnee. Cette même équipe avait réinventé le Diable de Hell’s Kitchen sur un run d’une quarantaine de numéros à la qualité progressive. Mais ce qui m’avait marqué, c’était l’alliance parfaite entre la narration fraîche et novatrice, et le style ultra détaillé et dynamique de Samnee. Certains numéros du duo me restent encore tête, notamment ceux avec Ikari, que je vous invite vraiment à lire. Finalement, la lecture de ce premier livre de la Veuve Noire s’annonçait alléchante, et ce fut le cas.
La Veuve est en fuite, après un cambriolage musclé et spectaculaire dans les locaux aériens du S.H.I.E.L.D. Le premier numéro, sur les six qui composent le tome, donne le ton : c’est beau, très beau mais surtout travaillé au possible par un Samnee sous perfusion de café qui assure aux pinceaux. Le découpage de ce premier épisode introductif est déjà une référence pour tous, et on en vient à penser que le travail qui nous est proposé ici est finalement plus dynamique que certaines productions cinématographiques. Le découpage est ciselé et sert parfaitement les envolées graphiques du dessinateur. Là où le grand écran perd souvent en lisibilité et en clarté au profit de vitesse, Samnee a tout compris et compose toutes ses cases avec minutie. Le lecteur suit avec une facilité déconcertante les personnages se mouvoir avec agilité et force dans des décors tout aussi détaillés et variés. Car oui, la Veuve va devoir bouger autour du globe pour mener à bien sa mission.
Admirez un artiste au sommet
Et malheureusement la narration écrite, car la narration dans cette série est autant écrite que visuelle, s’efface avec une intrigue bien trop légère. Waid fait le choix trop facile d’un récit passéiste. Black Widow fait partie de ces personnages comme Captain America ou encore le Winter Soldier dont la plupart des récits font intervenir des menaces ou des vilains obscurs qui surgissent de leur passé perdu. En effet, la menace qui attaque violemment Natasha est tout droit issue de son passé, de son lien avec les services secrets soviétiques et la Chambre Rouge. Ses troubles antécédents vont donc la rattraper et la mener jusqu’au Lion Blessé qui va jouer avec l’espionne, mais finalement nous ne savons pas grand chose après la lecture sur ce nouvel ennemi. Pourtant, ce n’est pas l’axe central du récit, autant s’attarder sur la caractérisation de la Veuve, qui est très réussie de la part de Waid. Son personnage est froid, manipulateur, dur et implacable, avec des aptitudes physiques hors du commun. Ses expressions faciales et sa manière de bouger naturelle, et on revient à Samnee, sont criantes de vérité. Même les passages d’accalmie, qui servent la narration trop classique mais rudement efficace de Waid, sont toujours travaillés, avec des jeux d’ombre ou des cadrages recherchés. Et on retrouve certaines pleines pages absolument dingues, entre beauté féminine et fureur assassine. Et que dire de la colorisation de Matthew Wilson, qui lorgne légèrement vers des teintes rouges, oranges et rosées qui rappellent fortement Francavilla, un autre dessinateur de génie. L’ambiance unique qui ressort des pages est sensationnelle, la série est assez stupéfiante parmi le catalogue Marvel. La mise en retrait de Waid, qui livre un récit d’espionnage punchy avec un petit twist en fin de volume est intéressant mais je fais le choix de ne pas en parler pour vous laissez le découvrir, mais surtout pour évoquer en long, en large et en travers le tour de force graphique de cette série.
Si vous accordez autant d’importance aux dessins qu’au scénario écrit, cette lecture est faite pour vous. Le duo, voire le trio si on compte le coloriste, est en symbiose parfaite. Waid écrit un récit trop classique mais infaillible, Samnee sublime largement les écrits de son auteur avec une prestation parfaite. Encore une fois, c’est une série en marge des gros noms Marvel, comme Moon Knight, qui marque les esprits pour ses qualités graphiques indéniables.