Le premier tome avait notamment marqué par des qualités graphiques évidentes, un séquençage d’une précision imparable. Cette virtuosité visuelle éclipsait une narration bien trop classique. Waid avait cependant compris son personnage, la caractérisation de la Veuve était impeccable. Avec ce second, et dernier tome, Natasha est confrontée directement à la Chambre Noire et son héritage mortel. D’ailleurs cette nouvelle nursery est le centre de toutes les convoitises, puisque celle-ci a formé une dernière génération d’assassins que toutes les parties mises en jeu veulent s’accaparer : Romanov ne souhaite que les libérer, alors que Recluse, adversaire proche de l’histoire de Natasha introduit dans le tome précédent, cherche à les convertir à sa cause destructrice. Pour mener à bien sa quête très personnelle, la Veuve sait s’entourer. Les premiers chapitres sont l’occasion pour Waid d’accoler un partenaire à l’espionne. Le Lion Blessé est évidemment de retour, mais rapidement évincé. En effet, ce personnage « objet », qui ne constitue finalement qu’un mouchard mental, ne se détachera jamais de ce rôle malgré une tentative de développement via quelques flash-back particulièrement froids. Le Winter Soldier, soldat formé par les services de la Chambre, mais surtout amant historique de la Veuve, se joint à sa bien-aimée durant quelques pages. Et même si ces retrouvailles sont un passage obligé, de Brubaker à Remender, tous ces auteurs ont déjà convoqué les deux tourtereaux, Waid n’en rajoute pas, la relation est adulte et parfois touchante. Même un Nick Fury lunaire, totalement oublié après le modeste Original Sin, fait un détour par ce second tome. Ce numéro est d’ailleurs très étrange, en total décalage avec le reste bien plus personnel dans les enjeux mais surtout très loin du genre spatial.
Le premier volume souffrait déjà de quelques faiblesses narratives, notamment une intrigue générale conventionnelle sans grandes fulgurances. Le reproche est identique ici, à ceci près qu’une confusion générale s’infiltre entre les bulles de Waid. Il faut noter un manque notoire de fluidité dans les échanges, à l’enchaînement parfois douteux. Il n’est pas rare de sourciller d’étonnement sur certains dialogues d’un personnage sans liens avec le suivant, dans la bouche de son interlocuteur. Si on se penche sur l’intrigue en elle même, malheureusement Waid ne sublime jamais le background autour de la Veuve, toujours caractérisée à la perfection néanmoins. Que ce soit l’idéologie de la Chambre et Recluse ou encore les motivations du Lion, rien n’est vraiment prononcé, et on se délaisse lentement du motif pour se concentrer sur le déroulement. Puis, la temporalité du titre est particulièrement fumeuse. Les numéros s’enchaînent après des ellipses sauvages qui floutent grandement un récit pourtant très généreux, encore, sur son rythme. En adoptant ce point de vue interne, sans bulles de pensée, le duo ne perd jamais le fil de leur intrigue, menée tambours battants. Et même si nous ne retrouverons pas l’impact du premier numéro du premier tome, le talent de Samnee explose de nouveau. Il conserve sa science du découpage mais son trait semble s’affiner au cours du tome, les expressions des différents personnages sont bluffantes. Il renchérit avec des passages plutôt très impressionnants, comme cet affrontement final entre la Veuve et les troupes de la Chambre.
Préférer cette version de la Veuve à la précédente d’Edmondson et Noto ? oui, pour le rythme et la tenue du récit qui ne dévie à aucun moment. Le duo maintenant reconnu n’a jamais déçu. On contemple une vraie association artistique, où la narration se plie au service du dessin, qui sublime alors largement l’oeuvre. Et quand on sait que l’équipe revient sur un titre Captain America après Legacy, l’attente est immense.
La critique est courte, voire expéditive, tant ce second volume s’inscrit dans la continuité du premier. L’intrigue unique s’étale finalement sur ces 12 numéros, mais n’aura jamais vraiment élevé le débat. Waid n’a pas réussi, ou voulu, ou c’est tout simplement effacé devant Samnee crédité aussi au script, à livrer un arc narratif solide. Attention, l’efficacité du récit, le rythme comme la narration qui supprime totalement le récitatif s’avèrent particulièrement plaisants. Mais la satisfaction réelle procurée par la lecture est à rapporter à Chris Samnee, qui série après série, ne cesse d’expérimenter sans jamais décevoir.