Si Bliss devait encore asseoir sa suprématie, Imperium en prendrait le commandement. Harbinger en avait été le messager, sa suite en est précisément le supreme leader. Cette jeunesse modernisée nous avait émerveillée, ce volume intégral de 16 épisodes délaisse les disciples pour se concentrer sur le monarque Harada.
Exit les surdoués revanchards, je caricature, Imperium se concentre exclusivement sur Harada et son projet de révolution ethnico-socio-industrielle. Mais comment assouvir ses idéaux de grandeur, en revendiquant la Fondation d’un Etat indépendant sur les côtes somaliennes, en dépit de toute considération. Harada, entouré de tous ses lieutenants, voit grand, mais ne fait sans doute que rêver, rien n’est simple chez Valiant. Il conviendra de souligner que ces 4 arcs narratifs qui suivent donc les débats du génie nippon à convaincre, à prouver mais surtout à forcer et contraindre, sans jamais sombrer dans une folie meurtrière le privant de tout discrédit, sont une nouvelle référence. Une attestation dans ce qu’elle a de plus officielle, Dysart a utilisé le personnage de comicbooks post 2010 le plus passionnant du marché, et je ne pense pas me trahir avec ceci : L’ascenseur gravitationnel d’Harada atteint sans mal les plus hautes sphères de l’astéroïde M, oui, Magneto peut trembler, son statut d’icone est déjà mis à mal. Valiant n’a pas à traîner des années de continuité pachydermique, son anti-héros anti-antagoniste se développe sous nos yeux.
Si l’on se penche précisément sur le déroulé narratif, le schéma est le suivant : un cumulé de scénari, où Harbinger et sa Fondation se heurtent à une opposition dans ce qu’elle a de plus réelle et protéiforme. D’un côté, l’O.N.U, l’O.T.A.N et autres assemblées internationales de tous bords, notamment africaines, confrontent Harada à sa prise de pouvoir dictatoriale. Cela se traduit par de nombreux discours politiques et politisés des différentes parties, jamais barbants, toujours pertinents. La série prend un temps passionnant à mettre en avant nos institutions, à les voir se déchirer sur le sujet Harada, le grand maniât Omega passionne et effraie. Si certaines Nations ne voient en lui qu’un énième illuminé génocidaire mégalo, comme l’Histoire nous en a accouché, d’autres le perçoivent comme le, ou un tenant, du moindre mal. Vous en voulez encore, Dysart ne nous oublie pas, nous, les citoyens. La série interroge les puissants, comme les inconnus, l’ensemble du Monde à voix aux 16 chapitres d’Imperium. Tous les avis sont entendus, mais sont surtout recevables. La bêtise indiscutable des gouvernements aux sombres intérêts mais aussi leur peur humaine, ou comme le rêve immense d’Harada mêlé à son extrémisme, rien n’est simple, tout est permis. Dysart ira même chercher ces proto-vignes terriens planqués depuis l’intégrale XO pour traiter de la curiosité xénophobique d’Harada, sous couvert d’expérimentations cérébrales.
Evidemment, le titre a aussi pour lui quelques moments plus nerveux en la présence du Projet Rising Spirit notamment. Les forces du P.R.S, reflet parfait du complexe militaro-industriel secret qui trouve ici sa place qui lui est due, sont immenses et représentatives. Qu’elle est loin Hydra made in Valiant de Bloodshot USA. Cette opposition armée sera aussi agrémentée d’éléments plus fantaisistes voire horrifiques, l’arrivée d’un assassin Vigne ou d’une scientifique anophtalmique n’y sont pas étrangers. Si la façade de l’organisation est évidemment celle de la défense du peuple, en sous main, le profit et le contrôle sont au centre de tout. A sa tête Kozol, personnage que l’on pensait conforme, se révèle passionnant dans son propos. Cela sera un constat général, le casting est d’une richesse rare. L’escadron tout sauf suicide d’Harada regorge de personnages passionnants, aux intérêts communs mais aux motivations personnelles. Les réflexions Asimoviennes d’un Mech Major sur sa condition robotique, la relation entretenue entre Livewire et son mentor, Dysart est magistral ; Et ces deux exemples ne sont que des ricochets d’une cascade de dialogues et de pensées lourde de sens. Sous aspect mainstream, le titre cache une pléthore de thématiques et punch-lines à des lieux de ce que l’on peut trouver habituellement dans un tel comicbook.
Imperium est il impérial ? Indubitablement. Dysart s’est imposé comme l’un des auteurs les plus talentueux du moment, à classer sur le même podium que des Vaughan, Remender ou encore Lemire, la renommée en moins. Son Harada est absolument parfait. Il n’oublie pas non plus un casting d’une diversité ahurissante qui lévite autour. Mais en plus des qualités humaines, et pas que, de son récit, Dysart écrit avant tout une intrigue passionnante. Avec des considérations politiques, sociales, économiques, et j’en passe, l’auteur ne nous prend jamais pour des décérébrés, ni pour des élitistes prétentieux, juste des lecteurs passionnés pour de bonnes histoires. Pour reprendre les mots de Kozol, si « une couronne n’est qu’un chapeau qui laisse passer les gouttes de pluies », alors Bliss se pare de son plus beau couvre chef, quasi imperméable à la critique.
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