Parmi les Mangakas, s’il en est un dont on cite régulièrement l’influence que les comics ont sur son dessin est bien Atsushi Kaneko. Découvert à travers le brutal Bambi, l’artiste a confirmé son talent dans les très « Lynchiens » Soil et Wet Moon, ainsi que dans le récent Deathco. A l’occasion du 90ème anniversaire de la naissance d’Osamu Tezuka, de nombreux projets ont été lancés. Parmi ceux-ci, Search and destroy, série inspirée de Dororo, un des mangas les plus fameux de Tezuka, qu’Atsushi Kaneko crée en 3 volumes.
Dans un futur incertain et dystopique, le monde a été ravagé par une guerre civile à l’issue de laquelle humains et « creechs » – des robots – cohabitent difficilement. Doro, un jeune chapardeur SDF croise la route de Hyaku, une jeune fille, qui ne semble ni humaine, ni robot. La violence et la soif de vengeance de cette dernière attisent la curiosité de Doro.
Atsushi Kaneko adapte l’idée de base de Dororo avec un duo de personnages qui commence par se rejeter où l’un est un jeune voleur et l’autre, un individu amputé dans son enfance de 48 membres, qu’il va se mettre quête de récupérer. Mais l’auteur transporte son histoire dans un univers de science fiction en lieu et place de l’univers féodal initial. Hachisuka est un ville aux allures de cité aux accents dictatoriaux et aux édifices massifs, faisant penser à l’ancienne URSS. Le climat y est rude, comme les conditions de vie, la cohabitation « Hus » – « Creechs », ardue. Les bases sont posées pour un récit que Kaneko va rendre totalement addictif par une construction limpide. D’abord par une longue séquence introductive se déroulant dans le présent et dont l’auteur a le secret. Violence, mystère, humour noir se partagent le gâteau très appétissant. Kaneko fait alors basculer son récit dans le passé afin d’évoquer en profondeur l’histoire de Hyaku, ce qui conduit le lecteur à s’attacher fortement à ce personnage de prime abord glaçant. Si l’on a pu trouver, par le passé, parfois obscurs certains scénarios de l’auteur, rien de cela ici. Tout est précis, millimétré dans Search and destroy.
Atsushi Kaneko invite le drame avec justesse dans son histoire. L’émotion surprend le lecteur à plusieurs reprises. L’humanité de Hyaku affleure avec force. Le cliffhanger de ce premier volume emmène le lecteur sur les traces d’une quête d’identité pour le personnage principal qui devrait trouver toute sa puissance dans la suite.
Bien évidemment, impossible de parler d’un manga d’Atsushi Kaneko sans évoquer son dessin, reconnaissable entre mille. L’artiste affine son trait tout en lui donnant une régularité impressionnante. Il enrichie son travail de décors fouillés et excelle, comme toujours, dans la précision des détails technologiques. Ses designs de personnages inventifs et géniaux sont parfaits. La folie de certains protagonistes s’expriment aussi bien dans leurs actes que dans leurs représentations. On pense à Nah et Sue, les deux « infirmières » robotiques dont l’allure enfantine ne rend que plus effrayante leur attitude. Kaneko expose des contextes urbains dans première partie ou montagneux dans la partie passée qui exhalent une puissance et une beauté indéniables.
Comme à son habitude, Atsushi Kaneko livre des scènes d’action époustouflantes et impactantes par leur violence et leur côté explicite. Son inspiration cinématographique dans ses compositions est plus que jamais palpable. Gros plans et cadrages subtils alternent et sont un régal pour les yeux.
Un Atsushi Kaneko en très très grande forme !
Tout comme Naoki Urasawa a livré sa meilleure série, Pluto, en adaptant Osamu Tezuka, Atsushi Kaneko pourrait bien réaliser, lui aussi, son meilleur travail en adaptant le Maître. Génial !